L'Obs

“Ce n’est pas le rôle de l’Etat de gérer des boutiques de luxe”

- Roland Lescure est député LREM, rapporteur de la loi Pacte.

Pourquoi privatiser Aéroports de Paris (ADP) ?

Il y a là un débat idéologiqu­e sur le rôle que doit jouer l’Etat au xxie siècle. Doit-il être assis sur les dividendes d’entreprise­s commercial­es ou utiliser ses ressources pour financer les innovation­s de rupture ? Un aéroport, c’est un centre commercial avec des ailes. L’Etat détient 50,63 % du capital d’ADP et touche des dividendes issus principale­ment des loyers payés par les boutiques de luxe. Mais ce n’est pas à l’Etat de les gérer. Il est préférable de laisser cela au privé. L’argent d’une privatisat­ion pourra servir à financer la recherche.

N’est-ce pas surtout un moyen de réduire la dette de l’Etat ?

Ce schéma permet une réduction de la dette mais ce n’est pas l’essentiel. Disons que c’est un bonus.

Un aéroport, c’est bien plus que des magasins de luxe, c’est une infrastruc­ture stratégiqu­e.

C’est vrai ! Mais pour que Paris-Charles-deGaulle (CDG) reste un actif stratégiqu­e, il faut en assurer le développem­ent et cela nécessite d’importants investisse­ments que l’Etat, surendetté, n’est pas en mesure de faire. CDG est le dixième aéroport mondial en termes de trafic, mais il n’est noté que 37e en qualité de service. La modernisat­ion permise par la privatisat­ion bénéficier­a aussi à Air France, qui a besoin d’avoir un hub à la hauteur pour rester compétitiv­e.

N’y a-t-il pas un danger à remettre les clés de la principale frontière française au privé ?

Les douaniers resteront les agents de l’Etat ! J’entends qu’il y a des enjeux de bien commun : sécurité, tarifs, environnem­ent. Sur ces sujets, l’Etat gardera un droit de regard grâce à un cahier des charges ainsi qu’un encadremen­t des redevances demandées aux compagnies aériennes. Nous n’irons pas à Canossa en quémandant la modération des tarifs, comme après l’échec de la privatisat­ion des autoroutes. Nous apprenons des erreurs passées. Par ailleurs, nous récupérero­ns l’ensemble des actifs et du foncier au bout de soixante-dix ans. Surtout, nous serons très prudents sur la provenance des capitaux : il n’est pas question de laisser un Etat étranger prendre le contrôle de CDG.

Vous est-il possible de bloquer un candidat à l’acquisitio­n ?

Oui, si l’acheteur ne répond pas aux exigences du cahier des charges. ADP ne sera pas vendu bêtement au plus offrant.

Pourquoi ne pas utiliser les dividendes actuels pour financer « l’innovation de rupture » ?

Les dividendes ont régulièrem­ent augmenté ces dernières années. Mais les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel : la situation économique peut se retourner. Les dividendes à venir n’assurent pas la stabilité dont l’Etat a besoin.

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