“Ce n’est pas le rôle de l’Etat de gérer des boutiques de luxe”
Pourquoi privatiser Aéroports de Paris (ADP) ?
Il y a là un débat idéologique sur le rôle que doit jouer l’Etat au xxie siècle. Doit-il être assis sur les dividendes d’entreprises commerciales ou utiliser ses ressources pour financer les innovations de rupture ? Un aéroport, c’est un centre commercial avec des ailes. L’Etat détient 50,63 % du capital d’ADP et touche des dividendes issus principalement des loyers payés par les boutiques de luxe. Mais ce n’est pas à l’Etat de les gérer. Il est préférable de laisser cela au privé. L’argent d’une privatisation pourra servir à financer la recherche.
N’est-ce pas surtout un moyen de réduire la dette de l’Etat ?
Ce schéma permet une réduction de la dette mais ce n’est pas l’essentiel. Disons que c’est un bonus.
Un aéroport, c’est bien plus que des magasins de luxe, c’est une infrastructure stratégique.
C’est vrai ! Mais pour que Paris-Charles-deGaulle (CDG) reste un actif stratégique, il faut en assurer le développement et cela nécessite d’importants investissements que l’Etat, surendetté, n’est pas en mesure de faire. CDG est le dixième aéroport mondial en termes de trafic, mais il n’est noté que 37e en qualité de service. La modernisation permise par la privatisation bénéficiera aussi à Air France, qui a besoin d’avoir un hub à la hauteur pour rester compétitive.
N’y a-t-il pas un danger à remettre les clés de la principale frontière française au privé ?
Les douaniers resteront les agents de l’Etat ! J’entends qu’il y a des enjeux de bien commun : sécurité, tarifs, environnement. Sur ces sujets, l’Etat gardera un droit de regard grâce à un cahier des charges ainsi qu’un encadrement des redevances demandées aux compagnies aériennes. Nous n’irons pas à Canossa en quémandant la modération des tarifs, comme après l’échec de la privatisation des autoroutes. Nous apprenons des erreurs passées. Par ailleurs, nous récupérerons l’ensemble des actifs et du foncier au bout de soixante-dix ans. Surtout, nous serons très prudents sur la provenance des capitaux : il n’est pas question de laisser un Etat étranger prendre le contrôle de CDG.
Vous est-il possible de bloquer un candidat à l’acquisition ?
Oui, si l’acheteur ne répond pas aux exigences du cahier des charges. ADP ne sera pas vendu bêtement au plus offrant.
Pourquoi ne pas utiliser les dividendes actuels pour financer « l’innovation de rupture » ?
Les dividendes ont régulièrement augmenté ces dernières années. Mais les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel : la situation économique peut se retourner. Les dividendes à venir n’assurent pas la stabilité dont l’Etat a besoin.