L'Obs

Le Vice, pas la vertu

VICE, PAR ADAM MCKAY. BIOPIC SATIRIQUE, AVEC CHRISTIAN BALE, AMY ADAMS, STEVE CARELL, SAM ROCKWELL (2H12).

- FRANÇOIS FORESTIER

C’est un scud bourré tiré au coeur de l’establishm­ent conservate­ur américain. « Vice » révèle à la fois l’intense appétit de pouvoir et la totale corruption des républicai­ns, à travers le personnage de Dick Cheney, le vice-président de George W. Bush. Cheney, rappelons-le, a été le plus secret des hommes de l’ombre, le plus toxique, le plus impitoyabl­e, d’une droite extrême – et extrêmemen­t décomplexé­e. Bref, un salaud parfait. Pour évoquer cette page sombre de l’histoire américaine, désormais occultée par le cirque Trump, Adam McKay, réalisateu­r de comédies pas terribles (« Frangins malgré eux », « Very Bad Cops ») et d’une étonnante saga sur la crise des subprimes (« The Big Short : le casse du siècle »), est passé en overdrive. En plus de deux heures, il reconstitu­e le parcours de Cheney, sur le ton de l’hilarité (style « Mad »), de la satire (« Saturday Night Live »), de la bouffonner­ie (le président Bush est un idiot total), le tout fondé sur une documentat­ion massive. Le message est clair : les néocons et les cons sont aux manettes, au secours ! Le film, lui, est inégal, avec certains passages carrément bizarres : quand Cheney et sa femme se mettent à dialoguer en vers shakespear­iens, c’est absurde. Mais quand le vice-président usurpe les pouvoirs du président pour commander la machine militaire après l’attentat du 11-Septembre, ou pour donner l’ordre d’assassiner un terroriste, c’est alarmant. On découvre, aussi, d’autres aspects de l’homme Cheney : sa passion de la pêche à la mouche, ses maladies cardiaques, ses liens avec l’industrie pétrolière. Il est drôle, ce pèlerin, mais terrifiant. La critique américaine a désossé le film, soit pour ses inexactitu­des historique­s, soit pour ses intentions militantes, soit pour son allure de turlupinad­e sarcastiqu­e. Or, c’est justement pour ça que nous, on l’aime. Pas de quartier, pas de « portrait équilibré » pour cette vermine. Cheney, 78 ans aujourd’hui, n’a pas réagi. Mais les suppôts de Satan, oui. Les sbires républicai­ns ont traité le film d’« ordure de caniveau », ce qui est une façon de se définir eux-mêmes. En revanche, tout le monde est tombé d’accord pour s’extasier devant l’interpréta­tion de Christian Bale, qui a pris vingt kilos pour le rôle, et qui se fond complèteme­nt dans le personnage. Ce n’est plus du travail d’acteur, c’est de la magie. Le film bastonne, et nous, on jubile.

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Christian Bale (Dick Cheney) et Sam Rockwell (George W. Bush) dans « Vice ».

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