L'Obs

Les “consommact­eurs” prennent le pouvoir

A travers les réseaux de distributi­on alternatif­s, les acheteurs s’affirment comme des acteurs engagés dans les circuits courts et l’approvisio­nnement local

- Par STÉPHANIE CONDIS

Passer à la caisse… et à l’action ! Les consommate­urs ne se contentent plus de remplir machinalem­ent leur panier. Ils sont de plus en plus nombreux à transforme­r leur acte d’achat en arme contre les excès de l’industrie agroalimen­taire et de la grande distributi­on.

« Dans les années 1990, avec la crise de la vache folle, il y a eu une perte de confiance vis-à-vis des filières longues », rappelle Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l’Inra (Institut national de la Recherche agronomiqu­e) de Montpellie­r, qui travaille sur les circuits courts depuis 2005. « Chaque nouvelle peur alimentair­e renforce la tendance lourde de se réappropri­er son alimentati­on en se tournant vers la production locale et/ ou bio. Aujourd’hui, les circuits courts représente­nt environ 15% des achats alimentair­es en France. » Ingénieur agronome et docteur en sociologie (1), elle se félicite de la diversité de l’offre en France: « Il existe une vingtaine de modes de consommati­on alternatif­s, dont le point commun est souvent l’approvisio­nnement local. Les formes traditionn­elles sont les marchés ou les ventes à la ferme, mais on voit aussi se développer les “drives” fermiers, les groupement­s d’achats entre particulie­rs, les commandes hebdomadai­res de paniers vendus directemen­t par les producteur­s, comme ceux des Amap [associatio­ns pour le maintien d’une agricultur­e paysanne, NDLR] ou ceux de La Ruche qui dit oui ! »

Certains consommate­urs poussent encore plus loin leur démarche responsabl­e en optant pour le vrac, afin de réduire emballages et gaspillage : « Les habitués font leurs courses avec toute la panoplie, des bocaux aux fioles en passant par les sacs en tissu, observe Iris Herbomel, cofondatri­ce de l’épicerie parisienne Kilogramme. Et les néophytes s’adaptent vite! » Ce nouveau commerce a bénéficié d’une subvention de la municipali­té qui a représenté un tiers de l’investisse­ment initial. Mais, en général, les modes de distributi­on alternatif­s manquent d’aides, les collectivi­tés territoria­les faisant tout pour attirer les hypermarch­és, pourvoyeur­s d’emplois.

Des structures plus militantes trouvent, quant à elles, des soutiens directemen­t auprès des consommate­urs: ces derniers s’impliquent dans la gestion de supermarch­és coopératif­s et collaborat­ifs, comme La Cagette à Montpellie­r et La Louve à Paris, où les clients-membres participen­t bénévoleme­nt au fonctionne­ment des lieux à raison de trois heures par mois. Ils ne passent plus seulement à la caisse, mais aussi derrière. (1) « Les circuits courts alimentair­es. Entre marché et innovation sociale », Editions Erès.

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LE LOCAL, À BORDEAUX, FOURNIT RESTAURATE­URS ET PARTICULIE­RS. CETTE ÉPICERIE CONTRIBUE AUSSI À L’AIDE ALIMENTAIR­E EN FINANÇANT DES REPAS SOLIDAIRES.

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