Les “consommacteurs” prennent le pouvoir
A travers les réseaux de distribution alternatifs, les acheteurs s’affirment comme des acteurs engagés dans les circuits courts et l’approvisionnement local
Passer à la caisse… et à l’action ! Les consommateurs ne se contentent plus de remplir machinalement leur panier. Ils sont de plus en plus nombreux à transformer leur acte d’achat en arme contre les excès de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.
« Dans les années 1990, avec la crise de la vache folle, il y a eu une perte de confiance vis-à-vis des filières longues », rappelle Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l’Inra (Institut national de la Recherche agronomique) de Montpellier, qui travaille sur les circuits courts depuis 2005. « Chaque nouvelle peur alimentaire renforce la tendance lourde de se réapproprier son alimentation en se tournant vers la production locale et/ ou bio. Aujourd’hui, les circuits courts représentent environ 15% des achats alimentaires en France. » Ingénieur agronome et docteur en sociologie (1), elle se félicite de la diversité de l’offre en France: « Il existe une vingtaine de modes de consommation alternatifs, dont le point commun est souvent l’approvisionnement local. Les formes traditionnelles sont les marchés ou les ventes à la ferme, mais on voit aussi se développer les “drives” fermiers, les groupements d’achats entre particuliers, les commandes hebdomadaires de paniers vendus directement par les producteurs, comme ceux des Amap [associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, NDLR] ou ceux de La Ruche qui dit oui ! »
Certains consommateurs poussent encore plus loin leur démarche responsable en optant pour le vrac, afin de réduire emballages et gaspillage : « Les habitués font leurs courses avec toute la panoplie, des bocaux aux fioles en passant par les sacs en tissu, observe Iris Herbomel, cofondatrice de l’épicerie parisienne Kilogramme. Et les néophytes s’adaptent vite! » Ce nouveau commerce a bénéficié d’une subvention de la municipalité qui a représenté un tiers de l’investissement initial. Mais, en général, les modes de distribution alternatifs manquent d’aides, les collectivités territoriales faisant tout pour attirer les hypermarchés, pourvoyeurs d’emplois.
Des structures plus militantes trouvent, quant à elles, des soutiens directement auprès des consommateurs: ces derniers s’impliquent dans la gestion de supermarchés coopératifs et collaboratifs, comme La Cagette à Montpellier et La Louve à Paris, où les clients-membres participent bénévolement au fonctionnement des lieux à raison de trois heures par mois. Ils ne passent plus seulement à la caisse, mais aussi derrière. (1) « Les circuits courts alimentaires. Entre marché et innovation sociale », Editions Erès.