“LES LIMITES D’UNE ENQUÊTE HONORABLE”
Par Gianluigi Nuzzi, journaliste italien qui a dévoilé l’affaire « Vatileaks », auteur de « Chemin de croix » (Flammarion, 2015).
L’Eglise protège ses secrets et ses mystères. Sur la gestion de son pouvoir, l’on doit, aujourd’hui encore, se contenter d’informations fragmentaires et souvent contradictoires. C’est une totale anomalie quand on considère le fait que l’Eglise possède l’une des structures les plus complexes et influentes de la planète avec 1,2 milliard de fidèles, soit 17,7% de la population mondiale, et un nombre de représentations diplomatiques seulement comparable à celui des Etats-Unis. Un vide significatif qui laisse la place au trafic d’informations, aux fake news et surtout à ces commérages qui se propagent dans les palais sacrés, et condamnés par le pape François. Rares sont les tentatives de rompre ce mur du silence. Et il ne fait aucun doute que le livre de Frédéric Martel « Sodoma » en est une honorable. L’homosexualité est encore le domaine le plus obscur et le plus inexploré de ce monde, où elle est largement répandue bien qu’expressément interdite. Martel met en lumière, comme jamais auparavant et sans préjugé, un univers de pressions, de chantage et de pouvoir jusque-là sous-estimé. Cependant, cette tendance à tout ramener aux codes de l’homosexualité pourrait bien aussi représenter la limite structurelle de son travail et mener à des conclusions erronées. Martel cite ainsi quatorze raisons à l’origine de la renonciation de Benoît XVI, dont il affirme qu’une bonne dizaine d’entre elles auraient un rapport avec l’homosexualité, parmi lesquelles la révélation des documents de « Vatileaks I ». L’ayant personnellement vécue, je connais assez bien l’histoire : la matrice sexuelle n’est absolument pas centrale dans cette affaire.