Fin de vie, mode d’emploi
TOUT LE BLEU DU CIEL, PAR MÉLISSA DA COSTA, CARNETSNORD, 700 P., 21 EUROS.
Voici un livre qui vous attrape dès les premières lignes pour vous relâcher, 700 pages plus loin, bien secoué. L’écriture est classique, rien à dire de ce côté-là. La force de « Tout le bleu du ciel », c’est, à l’évidence, son scénario, essentiel à l’heure où chacun observe avec sidération se généraliser l’acharnement thérapeutique à une échelle presque industrielle. Dans ce livre, il est question d’un jeune homme frappé d’une forme précoce d’alzheimer. Il va mourir bientôt, dans deux ans, tout au plus, et perdre progressivement la mémoire. A peine le diagnostic est-il posé qu’Emile prend une décision. Il va faire du temps qui reste toute une histoire. Une vie condensée. Un grand voyage. Il n’y aura pas de traitements invasifs, pas d’inscription à l’essai clinique sur lequel ses parents accrochent déjà des espoirs fous, pas de regards chagrins et furtifs autour de lui. Il va partir. Quand l’heure viendra, s’éteindre au clair de lune. Quelque part en montagne ou ailleurs, mais surtout pas perfusé dans un de ces mouroirs qu’on appelle service de soins palliatifs. Sans rien dire, Emile se prépare. Sa nouvelle vie démarre en camping-car. Sur internet, il lance ses dés une dernière fois : y aura-t-il quelqu’un pour l’accompagner dans cet ultime voyage ? Une femme répond, immédiatement, « disponible dès que possible pour partir ». Elle l’attendra quelques jours plus tard sur une aire d’autoroute, sous un arbre et un grand chapeau noir. Sans doute faut-il fuir quelque chose de grave pour se jeter ainsi dans la vie bientôt fauchée du premier venu. Au milieu de l’hiver et de la neige, les voilà en route vers les Pyrénées, faisant halte où le hasard les mène. Entre deux révélations sur le passé tourmenté de Joanne et l’événement indicible qui a précipité son départ, des accords splendides se tissent entre eux. Le dénouement est d’une grande beauté. II ne serait pas étonnant que cette histoire peu ordinaire trouve son épilogue au cinéma.