Lexie Liu, rappeuse chinoise globalisée
EP : « 2030 », PAR LEXIE LIU (88RISING).
Elle chante « Coco Made Me Do It ». Mais ne nous y trompons pas : pour Lexie Liu, rappeuse chinoise de 20 ans, rien de communiste dans ce Coco-là. Comme la plupart de ses collègues de Compton ou de Boulogne-Billancourt, Lexie Liu cultive un hip-hop ultralibéral à passeport mondialisé. Puissantes, moelleuses, ses sub bass n’ont rien à envier à celles de la rappeuse new-yorkaise Cardi B, même si ses paroles sont autrement plus sages : « En Chine, nous ne pouvons pas parler de trafic de drogue [contrairement à certains rappeurs occidentaux], car nous n’en avons jamais fait, donc, parfois, les Chinois qui rappent doivent éviter de parler de certains sujets qui n’existent pas », dit avec diplomatie Lexie Liu pour expliquer le particularisme régional de son art. Plus efficace que singulier, son rap pourrait illustrer « le soutien de la Chine au commerce multilatéral, au libre-échange et à l’économie mondiale », cher au président chinois Xi Jinping.
Ouverte aux flux et aux flows internationaux, nourrie aux rythmes de Lady Gaga et des Black Eyed Peas, aussi soucieuse du marché intérieur que du marché extérieur, Lexie Liu rappe en anglais et en mandarin. Est-ce bien patriotique ? Dans un marché automobile chinois en récession, elle célèbre des marques occidentales comme Mercedes (« Like a Mercedes ») plutôt que les marques locales comme Changan ou Baojun. Ajoutez à cela qu’elle s’identifie aux figures légendaires de la Chine médiévale illustrées par Disney (« Mulan »). Evidemment, devant ce nouveau modèle industriel hiphop, l’orientaliste se sent un peu refait, sauf aux gracieux moments où la rappeuse fait groover le mandarin, une langue qui s’avère éminemment funky. Lexie Liu est née à Changsha, la capitale de la province du Hunan. A 17 ans, elle participe à la compétition « K-Pop Star » 5, en Corée du Sud, « pendant six mois, sans parler un mot de coréen ». En 2018, elle finit quatrième à « The Rap of China », une autre émission de télé-crochet à laquelle le rap doit une partie de son rayonnement en Chine. Avant de se consacrer à sa carrière de musicienne, elle a passé un semestre à étudier le « global business » chez les jésuites, à la Fordham University, à New York. Lexie Liu est la nouvelle révélation du rap chinois multilatéral. Après la Sichuanaise Vava, dont on entend le tube « My New Swag » dans le film hollywoodien « Crazy Rich Asians ». Après Vinida, rappeuse de la province du Fujian, célèbre pour son hymne féministe « Queendom ».