Concombres en mer
Où l’on voit la mangeaille qui pose des problèmes
Des animaux ont fait parler d’eux, cette semaine. Ceux qui disparaissent, pas toujours de mort naturelle. Les insectes, on n’en voit plus beaucoup, tout le monde l’avait remarqué, mais des chi res viennent d’être publiés qui font quand même grosse impression. Leur disparition à venir est déjà comparée à celle des dinosaures, lesquels comme on sait ont carrément cessé d’exister. Or, s’il n’y a plus d’insectes, comment survivront-ils les oiseaux, les poissons ? Et s’il n’y a plus d’oiseaux, de poissons, que regarderons-nous voler, dans le ciel, juste des avions ? Que regarderons-nous nager, dans les eaux, juste des bouteilles en plastique? Et toutes ces disparitions annoncées quand justement les grands chefs, dans leurs grands restaurants, avec leurs grandes additions, se mettent à concocter des plats à base d’insectes, que les grossiums paraît-il ils se régalent, si c’est pas malheureux de lire ces prédictions apocalyptiques.
Connaissez-vous les pangolins ? Eux, pareil, bou eurs d’insectes. Mammifères, comme nous. Pas comme nous, couverts d’écailles. Les pattes gri ues. L’espèce se protège, comme on voit, mais il a fallu la classer dans les espèces protégées. Le pangolin se roule en boule quand il est e rayé et il a des raisons de l’être, traqué qu’il est par les trafiquants de pangolins. De riches Asiatiques les mangent parce qu’ils sont riches, sinon les Asiatiques pauvres en mangeraient aussi mais c’est mieux de les vendre aux riches parce qu’alors on peut s’acheter une autre viande moins chère, ainsi en a-t-on plus. Sur Bornéo, Malaisie, 30 tonnes de pangolins viennent d’être saisies par la police. Il y en avait pour deux millions de dollars. Il faut savoir que tout est bon, dans le pangolin, tout est à vendre : leurs écailles sont des remèdes qui guérissent le Chinois et le Vietnamien. Pourquoi eux et pas les autres? Mystère de la médecine.
Connaissez-vous le concombre de mer ? Un légume naturellement salé, répondront les irréfléchis. Ah ! bravo. Quand on ne sait pas, on se tait et on écoute. Le concombre de mer est un animal. Un animal marin comme son nom l’indique. Il est tout mou. Il peut être minuscule ou mesurer un mètre cinquante. Dans le Pacifique nord, on l’a tellement remonté des grands fonds qu’il n’y en a plus du tout. Nous autres Français avons la responsabilité de concombres de mer au large de la Corse. C’est là que des pirates viennent de se voir saisir leur pêche illégale. Il y en avait 200 kilogrammes. A mille dollars le kilo sur le marché chinois, sous le nom d’holothurie, c’est un sale coup pour ces trafiquants, surtout que leur matériel a été saisi aussi, et leur navire. Les concombres de terre sont plus sûrs mais enrichissent plus lentement. Une variété de concombre est le cornichon. Pas de bonne table sans cornichons. Si les Chinois deviennent maîtres du monde, comme on leur en prête l’intention, les pangolins et les concombres de mer peuvent nous dire adieu. Leurs ploutocrates communistes vont égoïstement tous les manger. Les anguilles ont à craindre. La contrebande bat son plein. L’exportation hors d’Europe en est interdite mais des passeurs ont été interceptés à l’aéroport de Genève, à celui de Zurich, qui transportaient des alevins dans des valises sophistiquées, destinés à être engraissés à Hong-Kong puis dispersés sur le marché continental. A Nantes, un mareyeur vient d’être condamné à deux ans de prison, son réseau vers l’Asie passait par le Pays basque espagnol. Plus de frontières entre les hommes, quand il s’agit de s’en prendre aux animaux. A Zagreb, Croatie, deux Sud-Coréens ont été pris avec des valises contenant 250000 jeunes anguilles, dites civelles, il y en avait pour 400000 euros. Coffres-forts vivants, ces petites bêtes.
Tout est bon, dans le pangolin, tout est à vendre.