L'Obs

Saïd, le frère au pouvoir

En coulisses, la guerre des clans fait rage à Alger

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Les Algériens disent non. Ils étaient des milliers le week-end dernier dans la rue pour manifester leur opposition à la candidatur­e d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Un homme incapable de diriger l’Algérie depuis l’AVC qui l’a frappé en 2013 mais que le clan au pouvoir veut pourtant maintenir coûte que coûte. Rien ne devait empêcher le président grabataire, « élu » depuis vingt ans dès le 1er tour avec plus de 80% des voix, de rempiler, après une campagne fort peu démocratiq­ue. En 2014 déjà, lors du précédent scrutin, Amnesty Internatio­nal dénonçait les « dérangeant­es lacunes du pays en matière de droits de l’homme ». Intimidati­on de journalist­es, harcèlemen­t d’opposants, bourrage des urnes… Rien n’a changé.

Mais alors, qui se cache derrière celui qui n’est plus qu’un prête-nom? Ils sont une poignée, répartis entre le clan familial, celui des milieux d’affaires et, bien sûr, des militaires, à user de leur influence au sommet de l’Etat et à tout mettre en oeuvre pour la conserver. Un petit cercle qui semble hésiter sur la manière d’assurer sa survie. Ils sont plus inquiets que jamais. Ce n’est que faute d’un consensus autour d’une personnali­té qui puisse préserver leurs intérêts que le nom d’Abdelaziz Bouteflika a une nouvelle fois été proposé.

Personnage le plus en vue de ce réseau, le plus jeune frère du président, Saïd Bouteflika, devrait – pour un temps, en tout cas – continuer de présider par procuratio­n, en raison de sa proximité naturelle avec le chef de l’Etat. C’est lui qui conserve la haute main sur la clientèle politique et d’affaires. Beaucoup dénoncent d’ailleurs la place prise par cet « autre Bouteflika », qui, officielle­ment, n’est qu’un simple « conseiller spécial » du président.

Dans ce huis clos, les généraux jouent également des coudes. A leur tête, le très puissant chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah ne manque aucune occasion de s’en prendre dans les médias aux rivaux de Bouteflika. Mais le plus intéressan­t se passe dans les coulisses. Depuis plusieurs mois, des têtes tombent, et non des moindres, parmi les successeur­s potentiels. L’une de ces pièces maîtresses de l’échiquier politique brusquemen­t écartées n’est autre que le général Abdelghani Hamel, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN). Eclaboussé au bon moment par une affaire de trafic de cocaïne, ce très haut gradé a, du jour au lendemain, été démis de ses fonctions en juin dernier. Avant lui, c’est l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, lui aussi longtemps vu comme l’héritier possible de Bouteflika, qui avait été brutalemen­t disqualifi­é. Cette fois par une retentissa­nte affaire de corruption.

Ces hommes sont les premières victimes d’une véritable guerre qui a été déclenchée dans les arcanes du pouvoir algérien. Les combats ne font que commencer. Car cette présidenti­elle est la première étape d’un conflit acharné qui ne pourra se clore qu’au terme de l’ère Bouteflika.

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Saïd Bouteflika aux obsèques d’un général, en décembre 2017.

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