Le punk rap est un sport de combat
ETON ALIVE, PAR SLEAFORD MODS (EXTREME EATING / DIFFER-ANT).
Depuis cinq albums et sans un seul compromis, voici tout simplement le duo le plus punk, le plus engagé et le plus fascinant d’Angleterre. Au chant, Jason Williamson (ci-dessous) scande ses diatribes assassines contre les hipsters qui vapotent, le consumérisme acharné, et une société capitaliste qui oublie sa classe ouvrière et tant d’autres écorchés. Ce fan de Paul Weller et du Wu Tang Clan est accompagné d’Andrew Fearn, le compositeur des boucles répétitives et des lignes de basse d’une bande-son minimaliste et très efficace. Le résultat est un brûlot enragé mêlant argot local, humour et hargne.
Le titre de ce nouvel album, produit sur leur propre label, est une référence à la prestigieuse école d’Eton, qui façonne l’élite britannique. On trouve aussi à l’intérieur de la pochette une longue liste d’organisations caritatives. Mais il faut les voir sur scène. C’est là que le tandem de Nottingham prend toute son ampleur. Jason livre un combat de boxe, suant comme un boeuf, balançant sans relâche ses invectives dans un flow à la mitraillette, tandis que son compère Andrew lance les morceaux et dégoupille ses bières d’un air nonchalant. Contraste improbable, mais saisissant. Bien que les paroles soient difficiles à saisir, le public ne s’y trompe pas, c’est cette attitude authentique, ce refus de sacrifier quoi que ce soit aux modes qui plaît, autant que l’énergie jouissive qui s’en dégage.
Des Sleaford Mods, Noel Gallagher dit : « Deux types, dont l’un a clairement l’air d’un malade mental. » Iggy Pop, qui sait de quoi il est question, les adore. Petite nouveauté cependant, ici, avec l’apparition d’une once de douceur et une coloration plus pop sur « When You Come Up to Me », une chanson apaisée, triste et mélodique qui sort du lot, mais aussi un tube dansant, « Kebab Spider », sans oublier la présence d’un kazoo, ce drôle d’instrument, sur le morceau « OBCT ». Avec, toujours, la même décharge d’adrénaline salutaire gorgée d’authenticité. « L’album de la maturité », comme on a pu déjà le voir collé sur certains disques ? On n’oserait certainement pas dire ça à ces deux quadras.