L'Obs

Les enfants de Bergman sont trop vieux

FANNY ET ALEXANDRE, D’INGMAR BERGMAN. COMÉDIE-FRANÇAISE, PARIS-1ER, 01-44-58-15-15, 20H30. EN ALTERNANCE JUSQU’AU 16 JUIN.

- JACQUES NERSON

Pour son adaptation de « Fanny et Alexandre », Julie Deliquet a puisé dans les trois formes successive­s que Bergman a données à ce récit : un roman, un téléfilm en quatre épisodes, puis un film. Il en résulte un spectacle très inégal. Au premier acte, nous sommes dans le théâtre de la famille Ekdahl. La troupe s’est réunie avec quelques amis pour fêter Noël. On ripaille, on braille, on se chamaille pour se réconcilie­r aussi sec, on déclame des extraits du répertoire. Aucun ressort dramatique. Rien ne se passe pendant une heure et demie. Jusqu’à ce qu’Oscar, le directeur du théâtre, meure d’une crise cardiaque. Certains spectateur­s profitent de l’entracte pour filer. Dommage, la seconde partie ne ressemble en rien à la première. Car on quitte alors le plan d’ensemble pour le plan rapproché. L’attention se focalise sur la veuve d’Oscar. Emilie (Elsa Lepoivre) a renoncé au théâtre pour se remarier avec un évêque chez qui elle est venue vivre avec ses deux enfants, les fameux Fanny et Alexandre. Seulement Edvard Vergerus est un puritain, une brute qui fouette Alexandre jusqu’au sang, le claquemure dans sa chambre, l’affame pendant plusieurs jours. C’est sans doute la part la plus autobiogra­phique de cette histoire. On sait que le père de Bergman n’était pas non plus un joyeux drille et que ce pasteur luthérien se montrait lui aussi un adepte convaincu du châtiment corporel. Là, grâce à Thierry Hancisse (l’évêque) qui réussit à rester touchant dans la monstruosi­té, il y a des scènes d’une force impression­nante. Malheureus­ement le spectacle souffre d’un autre grave défaut. Fanny et Alexandre qui sont des enfants sont ici interprété­s par Rebecca Marder et Jean Chevalier. Des adultes. Gênant. En particulie­r quand Chevalier, qui a une musculatur­e de footballeu­r, se dénude sur l’ordre de l’évêque. Entendons-nous bien : au théâtre, c’est l’apparence qui compte, on ne demande pas aux acteurs leurs papiers d’identité. Mais avouez-le, c’est quand même étrange de choisir une histoire dont les héros sont des enfants quand on n’a pas d’enfants sous la main. Pardonnez la trivialité de la comparaiso­n mais veau et boeuf, ça n’a pas le même goût.

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