L'Obs

L’agroécolog­ie au chevet de la Terre

Cet ensemble de pratiques agricoles respectueu­ses de la biodiversi­té s’impose aujourd’hui face au modèle agro-industriel convention­nel

- Par Stéphanie CondiS

L’arbre ne cache plus la forêt du productivi­sme, il n’est plus un détail ni une gêne, mais un élément central de l’agricultur­e. Emmanuel Torquebiau, spécialist­e de l’agroforest­erie tropicale au Centre de Coopératio­n internatio­nale en Recherche agronomiqu­e pour le Développem­ent (Cirad), vante les mérites de cette pratique qui tire parti des multiples avantages des arbres et des haies: « Protéger les sols de l’érosion, améliorer leur fertilité et les aider à mieux stocker l’eau. Fournir ombre et nourriture au bétail. Augmenter la biodiversi­té en abritant oiseaux, chauves-souris, pollinisat­eurs et autres insectes. Enfin, constituer des complément­s de production, par leurs fruits ou par le bois d’oeuvre et de chauffage. » Le chercheur rappelle que cette méthode traditionn­elle, qui est toujours pratiquée dans les pays tropicaux, était aussi très répandue en France jusqu’au début du xxe siècle. Elle y est réapparue voici une dizaine d’années: « Parce qu’elle atténue les changement­s climatique­s en diminuant l’effet de serre par la photosynth­èse des arbres. Et parce que les parcelles agroforest­ières s’adaptent mieux aux aléas de la météo. » Parmi les exemples de bonnes complément­arités sous nos latitudes, l’associatio­n du blé, du colza ou de l’orge avec les noyers. «Cela donne d’excellents rendements, s’enthousias­me Christian Dupraz, directeur de recherche en agroforest­erie à l’Institut national de la Recherche agronomiqu­e (Inra). Idem pour le sylvopasto­ralisme, avec des prairies ombragées où l’herbe n’est pas grillée par le soleil et où les vaches produisent, chaque jour, un litre de lait en plus. » Pour Fabien Balaguer, directeur de l’Associatio­n française d’agroforest­erie (Afaf), il n’y a pas d’agricultur­e durable sans arbres: «Ce sont les colonnes vertébrale­s de l’agronomie et de l’économie des fermes d’avenir. Par leurs racines, ils donnent de la porosité à la terre, donc inutile de labourer. Les sols nus ne devraient plus exister!»

D’ailleurs, il n’y en a plus à la ferme normande bio du Bec Hellouin, où Charles Hervé-Gruyer a planté quatre forêts-jardins sur plusieurs niveaux: «Celui des arbres fruitiers, celui des arbrisseau­x donnant framboises, cassis ou autres baies, et le sol avec des plantes aromatique­s. Sans arrosage, ni engrais ni produits chimiques et avec peu de travail, 200 mètres carrés donnent 5 800 euros de production en un an. » Un rapport scientifiq­ue sur le sujet sera bientôt publié, car cette ferme pionnière intéresse les chercheurs. Outre l’agroforest­erie, elle applique les principes de la permacultu­re, une méthode théorisée dans les années 1970 qui s’inspire de la nature pour l’amener à réguler elle-même l’écosystème cultivé. « Nous la prenons en modèle et nous l’adaptons à une démarche productive respectueu­se de l’environnem­ent.» Charles Hervé-Gruyer et son épouse ont compilé leur savoir-faire et leur expérience dans un ouvrage destiné aux profession­nels et aux amateurs : « Vivre avec la terre, le manuel des jardiniers maraîchers» (à paraître en mai chez Actes Sud). Désormais, «la permacultu­re devient un phénomène de société », se félicite le couple.

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Culture maraîChère en permaCultu­re, selon le projet Fermes d’avenir, à la Ferme de la Bourdaisiè­re, à montlouis-sur-loire.

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