L'Obs

Les lundis de Delfeil de Ton. Les mots croisés

Où l’on voit qu’encore faut-il la mériter

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Nos animaux les bêtes, comme dit Lefred-Thouron, il en a fait le titre d’un de ses premiers albums de dessins. Cette chronique, dont l’auteur s’aperçoit qu’elle aurait pu fêter ses cinquante ans au début de ce mois de février, il n’y aura guère parlé d’eux (les animaux) ou d’elles (les bêtes). Les humains lui paraissent plus rigolos. Les bêtes, cependant, nous l’avions constaté la semaine dernière, ne manquent pas d’intérêt. Comment, par exemple, rester indi érent à l’invasion par des ours de la localité de Belushya Guba, sise sur une île de l’océan Arctique russe? Cet hiver 2019, qui ressemble à un printemps, a si bien fait fondre les glaces que ces sympathiqu­es plantigrad­es, privés de leurs appuis, sont entrés dans la ville et s’y installent, au dam de ses 2 000 habitants.

Sympathiqu­es, ces plantigrad­es? Ce n’est pas le mot qui vient tout de suite à l’esprit de ces citoyens russes éloignés de tout. Les ours ne se contentent plus de renverser leurs poubelles pour y trouver de la nourriture, ils squattent les maisons inoccupées. Imaginez la contrariét­é du chasseur rentrant chez lui après quelques semaines d’expédition, trouvant l’intrus dans son salon et on ne vous dit rien de l’état de la salle de bains. Le rasoir, après que l’ours s’est distrait avec, il a perdu son tranchant. Mais bon, l’aventure c’est l’aventure : qui est venu vivre à Belushya Guba n’est pas venu vivre comme à Clichy-sous-Bois.

Vérifiant sur internet l’orthograph­e de Belushya Guba, on s’y voit proposer une possibilit­é de séjour grâce au réseau de location Airbnb. Pour 18 euros la nuit, l’occasion s’o re de croiser des ours en se promenant en ville, ça c’est du pittoresqu­e mais, comme souvent le pittoresqu­e apprécié du touriste, ce pittoresqu­e fait le désespoir des gens qui vivent sur place. Dans l’impossibil­ité de chasser le phoque, l’ours se tourne contre l’homme. Lequel, interdit de tuer cette espèce protégée, ne sort plus qu’en groupe pour aller au travail, faire ses courses ou conduire les enfants à l’école. La voix humaine ne faisant pas peur aux envahisseu­rs, il avance dans un bruit de sirène, sur des équipages lançant des éclairs et des détonation­s, accompagné­s de chiens. 18 euros la nuit, on vous dit, allez-y vous nous raconterez.

Si vous allez en Autriche, dans les alpages, gare aux vaches. Une vacancière allemande, partie en randonnée et traversant un troupeau de vaches allaitante­s, y perdit la vie. Une vache, pensant devoir protéger son petit, l’a chargée et laissée sur le carreau. Le mari de la dame, et leur fils, de poursuivre le propriétai­re de la vache en justice. Ils réclamaien­t des dommages et des intérêts. Qu’ils viennent d’obtenir du tribunal d’Innsbruck, près de 500000 euros, à quoi s’ajoutera pour les deux hommes une rente mensuelle de 1 500 euros. C’est l’émoi chez les éleveurs du Tyrol. Ils s’imaginent mal dans la nécessité de clôturer leurs pâtures ancestrale­s parce que des vacanciers ne sont pas fichus de respecter les panneaux de mise en garde. Solidarité avec ces gardiens des traditions.

Honte aux dirigeants du zoo du Dartmoor, dans le Devon, Angleterre. Pour amuser le public, et le rendre plus nombreux, ils ont imaginé d’attacher solidement de la viande à un bout d’une chaîne tandis qu’à l’autre bout, derrière un grillage, des visiteurs groupés s’arc-boutent pour l’ôter de la gueule à un lion. Tout cela bien sûr dans les cris, les rires et c’est pitié de voir la photo du roi des animaux disputant sa nourriture à des imbéciles mal habillés.

Croiser des ours en se promenant en ville.

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