“Parmi les causes de l’antisémitisme, il y a la détestation d’Israël”
Emmanuel Macron a décidé d’élargir la définition de l’antisémitisme en y intégrant le concept d’antisionisme comme l’une de ses formes. Qu’en pensez-vous? L’antisémitisme n’est jamais défini dans la loi. Le président souhaite mettre en oeuvre la définition officielle de l’Alliance internationale pour la Mémoire de l’Holocauste. Notre groupe d’études parlementaire propose de son côté l’adoption d’une résolution, non contraignante, « reconnaissant l’antisionisme comme une forme déguisée de l’antisémitisme ». Je crois en effet qu’il faut se donner les moyens de reconnaître l’antisémitisme là où il est, et de le condamner comme il se doit. Or, parmi ses causes, il y a la détestation d’Israël et cela n’a pas été suffisamment dit. Ce pays suscite de nombreux fantasmes, au nombre desquels le prétendu « complot sioniste mondial ». Le président Macron l’avait déjà dit en 2017 : quand on délégitime l’existence d’Israël au point de croire que tous les malheurs du monde viendraient de là, on en vient toujours à détester les juifs eux-mêmes. Ce qui est arrivé à Alain Finkielkraut, qui défend, lui, le droit des Palestiniens à avoir un peuple, est un cas d’école. On ne l’a pas seulement traité de « sale sioniste », on lui a dit : « Rentre chez toi ». Ici, le mot « sioniste » cache clairement la haine du juif, assimilé à l’oppresseur. L’arsenal législatif existant n’est-il pas suffisant? Certains des porte- parole de l’« antisionisme » politique – Alain Soral et Dieudonné – ont déjà été condamnés pour propos antisémites… Dans le cas d’Alain Soral, ses propos visent clairement les juifs, bien qu’il ait contribué à créer la confusion autour du terme « sionisme ». Mais, selon moi, le rapprochement entre antisionisme et antisémitisme est davantage le fait d’un fondamentalisme musulman qui s’insinue dans les banlieues depuis les années 1990, assorti d’un discours remettant en question l’existence d’Israël, pays qui serait par nature du côté des oppresseurs contre les opprimés. Par extension, les juifs seraient, en somme, responsables du sort de ceux qui ne trouvent pas leur place en France. En visant les antisionistes, ne risquet-on pas de pénaliser les partisans de la cause palestinienne qui dénoncent la politique actuelle d’Israël sans pour autant nier son droit à l’existence? Ce sera au juge de faire la différence. Mais attention, il faut bien s’entendre sur ce que signifie « dénoncer la politique israélienne ». Danielle Simonnet, membre de La France insoumise, qui ne se prive pas de critiquer Benyamin Netanyahou, m’a affirmé que l’existence d’Israël était légitime. Tous les dirigeants communistes, écologistes, tous les jeunes de banlieue qui parlent de la Palestine feraient-ils la même réponse ? Je n’en suis pas convaincue.