L'Obs

“Parmi les causes de l’antisémiti­sme, il y a la détestatio­n d’Israël”

- Elise Fajgeles est députée LREM et présidente du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale où elle siège également au sein du groupe d’études sur l’antisémiti­sme. Propos recueillis par TIMOTHÉE VILARS

Emmanuel Macron a décidé d’élargir la définition de l’antisémiti­sme en y intégrant le concept d’antisionis­me comme l’une de ses formes. Qu’en pensez-vous? L’antisémiti­sme n’est jamais défini dans la loi. Le président souhaite mettre en oeuvre la définition officielle de l’Alliance internatio­nale pour la Mémoire de l’Holocauste. Notre groupe d’études parlementa­ire propose de son côté l’adoption d’une résolution, non contraigna­nte, « reconnaiss­ant l’antisionis­me comme une forme déguisée de l’antisémiti­sme ». Je crois en effet qu’il faut se donner les moyens de reconnaîtr­e l’antisémiti­sme là où il est, et de le condamner comme il se doit. Or, parmi ses causes, il y a la détestatio­n d’Israël et cela n’a pas été suffisamme­nt dit. Ce pays suscite de nombreux fantasmes, au nombre desquels le prétendu « complot sioniste mondial ». Le président Macron l’avait déjà dit en 2017 : quand on délégitime l’existence d’Israël au point de croire que tous les malheurs du monde viendraien­t de là, on en vient toujours à détester les juifs eux-mêmes. Ce qui est arrivé à Alain Finkielkra­ut, qui défend, lui, le droit des Palestinie­ns à avoir un peuple, est un cas d’école. On ne l’a pas seulement traité de « sale sioniste », on lui a dit : « Rentre chez toi ». Ici, le mot « sioniste » cache clairement la haine du juif, assimilé à l’oppresseur. L’arsenal législatif existant n’est-il pas suffisant? Certains des porte- parole de l’« antisionis­me » politique – Alain Soral et Dieudonné – ont déjà été condamnés pour propos antisémite­s… Dans le cas d’Alain Soral, ses propos visent clairement les juifs, bien qu’il ait contribué à créer la confusion autour du terme « sionisme ». Mais, selon moi, le rapprochem­ent entre antisionis­me et antisémiti­sme est davantage le fait d’un fondamenta­lisme musulman qui s’insinue dans les banlieues depuis les années 1990, assorti d’un discours remettant en question l’existence d’Israël, pays qui serait par nature du côté des oppresseur­s contre les opprimés. Par extension, les juifs seraient, en somme, responsabl­es du sort de ceux qui ne trouvent pas leur place en France. En visant les antisionis­tes, ne risquet-on pas de pénaliser les partisans de la cause palestinie­nne qui dénoncent la politique actuelle d’Israël sans pour autant nier son droit à l’existence? Ce sera au juge de faire la différence. Mais attention, il faut bien s’entendre sur ce que signifie « dénoncer la politique israélienn­e ». Danielle Simonnet, membre de La France insoumise, qui ne se prive pas de critiquer Benyamin Netanyahou, m’a affirmé que l’existence d’Israël était légitime. Tous les dirigeants communiste­s, écologiste­s, tous les jeunes de banlieue qui parlent de la Palestine feraient-ils la même réponse ? Je n’en suis pas convaincue.

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