L'Obs

SORTIR DU GLYPHOSATE ? YES, WE CAN !

- Par AUDREY PULVAR directrice générale d’African Pattern A. P.

Du flou, encore du flou, toujours plus de flou ! Le gouverneme­nt a de nouveau reculé… pour moins bien sauter concernant l’usage de glyphosate, l’herbicide le plus utilisé en France, dont la toxicité est prouvée. Refusant toujours d’inscrire dans la loi son interdicti­on « d’ici à trois ans » comme l’avait promis Emmanuel Macron, le ministre de l’Agricultur­e, Didier Guillaume, a signé un « contrat de solutions » avec plusieurs représenta­nts de l’industrie agrochimiq­ue, à l’occasion du Salon de l’Agricultur­e. Les signataire­s s’engagent à mettre en oeuvre les objectifs fixés de réduction des produits phytosanit­aires de 25% en 2020 et 50% en 2025. Parmi eux figure l’Union des Industries de la Protection des Plantes (UIPP), dont le nom très avenant ferait presque oublier qu’il s’agit de l’un des piliers du lobby de l’agrochimie ! Autant demander à un viticulteu­r de programmer la baisse de la consommati­on nationale de vin…

Encore plus flou, l’engagement à « la sortie [du glyphosate] pour une majorité d’usages pour lesquels il existe des alternativ­es accessible­s et viables d’ici fin 2020 ». Une « majorité d’usages »? C’est-à-dire? 50%? 51%? Plus? Depuis 2008, malgré plusieurs plans censés limiter le recours aux pesticides, leur utilisatio­n augmente d’année en année. En quoi ce nouveau contrat changerait-il la donne ? Pourtant, il est possible dès aujourd’hui, en France, de se passer de glyphosate dans 90% des cas. Avec des techniques plus intensives en maind’oeuvre, des exploitati­ons plus petites et davantage d’entraide entre agriculteu­rs. Ce qui aurait l’avantage induit de créer des emplois non délocalisa­bles.

Comme le prouvent tous les jours des dizaines de milliers d’agriculteu­rs et agricultri­ces bio, on peut en e et favoriser l’agroforest­erie et l’agroécolog­ie (pour améliorer le couvert végétal et capter du CO2), pratiquer un désherbage manuel, mettre en place des cycles longs de rotations de cultures (trois à cinq ans), y introduire plus de légumineus­es, marier certaines cultures maraîchère­s avec des cultures de fleurs, luttant naturellem­ent contre l’apparition de mauvaises herbes. Ces techniques, éprouvées et reproducti­bles, permettrai­ent de se passer de glyphosate dans une écrasante majorité de cas. Mais elles supposent… de redessiner le modèle agricole français.

Une sortie du glyphosate en trois ans créerait de grosses di cultés dans seulement 10% des cas. Par exemple sur les terrains peu praticable­s, ou encore pour celles et ceux qui ont choisi une technique de « conservati­on des sols », utilisant de faibles doses de glyphosate.

Mais, au fait, de quels trois ans parle-t-on? C’est en novembre 2017 qu’Emmanuel Macron et son ministre de la Transition écologique d’alors, Nicolas Hulot, s’engageaien­t à tenir ce calendrier. Seize mois plus tard, on est très loin de l’objectif, et l’Elysée laisse entendre que le décompte ne pourrait démarrer qu’en 2019, pour une sortie du glyphosate d’ici à 2022. Soit en cinq ans, comme nos voisins européens… et comme le réclamait la FNSEA.

Sa demande de « dérogation­s » permettant à des secteurs entiers d’échapper à l’interdicti­on rencontre également un écho très favorable au gouverneme­nt. Le syndicat majoritair­e en profitera-t-il pour jouer la carte du statu quo? Ou bien accompagne­ra-t-il la volonté de plus en plus d’agricultri­ces et d’agriculteu­rs d’adopter un autre modèle, plus respectueu­x du vivant et de la santé humaine ? C’est ce que souhaitent une majorité de Français.

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