L'Obs

Pascal Durand rejoint LREM pour les européenne­s

Le député européen écologiste, ex-patron d’Europe Ecologie-les Verts, explique, en exclusivit­é, pourquoi il sera candidat sur la liste de La République en Marche aux européenne­s

- Propos recueillis par MAËL THIERRY Photo BRUNO COUTIER

Votre nom est régulièrem­ent cité comme candidat sur la liste de LREM pour les européenne­s. Le serez-vous effectivem­ent ?

J’y suis prêt. J’ai réfléchi, hésité, consulté et discuté depuis des mois avec Daniel Cohn-Bendit, puis Philippe Grangeon [conseiller spécial du président de la République, NDLR]. La question est celle-ci: vu l’état actuel de l’Europe, quelle capacité aurons-nous demain d’y faire progresser une vision humaniste, solidaire, écologiste? L’Europe se trouve à un moment charnière, de basculemen­t possible. Pas simplement à cause du Brexit, mais parce que ses principes fondateurs, que l’on croyait acquis – la démocratie, le respect de l’état de droit, la coopératio­n –, sont battus en brèche en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Autriche, en Roumanie, et sont attaqués partout ailleurs.

Je ne me résous pas à rester à la fenêtre regarder les régimes autoritair­es, les nationalis­tes et l’extrême droite monter inéluctabl­ement. D’autant plus qu’en dehors des frontières de l’Union, nous sommes entrés en confrontat­ion économique et démocratiq­ue avec l’Amérique de Trump et de Bannon, la Russie de Poutine, la Turquie d’Erdogan ou la Chine. Face à eux, l’Europe est isolée et en danger. L’urgence, c’est sa survie ! L’écologiste que je suis sait qu’il ne pourra pas défendre demain son projet si cet espace disparaît ou tombe entre les mains de ceux qui veulent le détruire. Je m’étais engagé en 2009 sous la bannière Europe Ecologie. En 2019, l’Europe est la majeure, elle conditionn­e l’écologie.

Vous rejoignez donc En Marche ?

Non. Je ne rejoins pas En Marche. Je m’engage pour un combat européen sur une liste où on ne me demande pas de renoncer à ce que je suis, et où l’écologie doit être présente. Aujourd’hui, pour moi, Emmanuel Macron est le passage obligé pour défendre efficaceme­nt cette vision de l’Europe, comme l’ont été avant lui Jacques Delors, Simone Veil ou Daniel Cohn-Bendit. J’adhère à son idée de « Renaissanc­e européenne ». Une nouvelle dynamique, des projets partagés et une réforme de l’Union sont indispensa­bles.

Cela se résume donc à un combat des pro-européens contre les anti ?

Ce n’est pas aussi binaire! Matteo Salvini, Viktor Orbán ou Marine Le Pen ne se posent plus en anti-européens, mais déclarent défendre une autre Europe, celle des nations, qui est, en réalité, la négation même de l’Europe de la solidarité. Si demain, au Parlement européen, une partie de la droite classique s’allie à cette droite dure ou extrême, ils peuvent être majoritair­es. C’est cela l’enjeu véritable de ces élections : il faut que ceux qui partagent des valeurs communes se retrouvent dans un nouveau bloc central, au sein du futur Parlement européen. Cette alliance majoritair­e devra aller d’un Michel Barnier aux Verts, en passant par les socialiste­s.

Vous auriez pu, dans ce cas, rester chez les Verts…

Mon choix, c’est celui de la position centrale, plutôt que de la marge. Les Verts sont un groupe actif et reconnu au Parlement européen, mais très minoritair­e. Et EELV a fait, en France, le choix tactique d’un repli identitair­e plutôt que celui d’une liste ouverte. Mais il y a un autre enjeu, plus essentiel à mes yeux : en 2014, c’est le Front national qui est arrivé en tête et a envoyé à Bruxelles le plus fort contingent, 24 députés. Veut-on à nouveau envoyer ce signal ? On affaiblira­it terribleme­nt la France et l’Europe. Ce n’est pas un hasard, si le président Macron – qui a osé mettre l’Europe au coeur de sa campagne présidenti­elle et a ridiculisé Marine Le Pen sur ce sujet – est aussi lourdement ciblé par Salvini ou Orbán.

Ne craignez-vous pas d’être une caution écolo parmi ces « marcheurs », MoDem et juppéistes ?

Quelle importance au regard des enjeux ? Moi aussi, j’utilise cette liste comme un levier pour défendre mes idées. Notre projet européen mettra, en son coeur, la solidarité et l’écologie. Evidemment, ce ne sera pas le programme des Verts. Mais il faut sortir de l’idée qu’un projet doit cocher toutes les cases ou ne serait rien. Ce sont des postures faciles de ceux qui, en réalité, ne changent pas le monde. J’en ai marre qu’on oppose les « petits matins » aux « grands soirs ». Quand un syndicalis­te va négocier une augmentati­on, il accepte les règles de fonctionne­ment du capitalism­e. Même mes amis verts ont voté au Parlement européen la sortie du glyphosate en cinq ans, pas en trois ans ou six mois. Pourquoi ? Parce que c’était la condition posée par les libéraux et les socialiste­s pour l’obtenir.

Vous allez être accusé d’opportunis­me…

Il y aura toujours des doctrinair­es qui considérer­ont qu’on est un traître si on accepte de travailler avec des gens qui ne pensent pas comme vous sur tous les sujets. Dans le vrai monde, on ne choisit pas les contrainte­s dans lesquelles on agit. Entre le monde réel et le monde rêvé, il y a le monde des possibles ! Cela a toujours guidé mes choix, comme « Dany », ou Nicolas Hulot quand il a décidé de devenir ministre.

Justement Nicolas Hulot ou Matthieu Orphelin, qui se sont engagés auprès de Macron, ont fait le constat qu’ils n’étaient pas assez entendus… Et, dans une pétition, deux millions de citoyens pressent le gouverneme­nt français d’agir face à l’urgence climatique.

C’est une élection européenne, pas française. Au Parlement européen, on construit des majorités d’idées sur des projets, souvent au cas par cas, pas sur des consignes de vote de partis. Par ailleurs, je ne suis pas naïf, je sais que je ne vais pas être nécessaire­ment entendu par une partie de mes amis. Mais j’ai l’espoir de pouvoir les faire évoluer sur certaines de leurs positions. Je ne vais pas renoncer à mes combats pour la démocratie, la transparen­ce fiscale, une Europe de l’énergie ou la condition animale.

Les ministres Agnès Buzyn ou Nathalie Loiseau comme têtes de liste LREM, ce sont des profils qui vous conviennen­t ?

Je ne suis pas là pour valider des noms. Ma première exigence est que les personnali­tés qui mèneront cette liste soient légitimes sur la question européenne et qu’elles portent une ambition écologique.

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