L'Obs

Quand la fac devient sélective

Avec Parcoursup, l’université peut désormais sélectionn­er ses étudiants. “L’Obs” dévoile les taux d’admis dans cinq filières très convoitées et révèlent quels établissem­ents sont en tension

- Par GURVAN LE GUELLEC

Ce sont des chiffres sensibles que « l’Obs » dévoile en exclusivit­é : les taux d’admis dans les université­s en 2018, première édition de Parcoursup. Formation par formation sont comptabili­sés les candidats qui se sont vu proposer une place, et, en creux, tous ceux qui n’ont pas obtenu satisfacti­on, leur dossier n’ayant pas été jugé au niveau. Des recalés, des heureux élus… Cela ressemble bigrement à de la sélection. Pourtant, le gouverneme­nt continue de marteler que Parcoursup n’a pas modifié la philosophi­e « universali­ste » de l’université. Si l’on prend les chiffres dans leur globalité, ce n’est pas faux : dans la majorité des formations, le taux d’accès reste de 100%, et des étudiants de tous horizons peuvent se retrouver sur les mêmes bancs en première année.

Mais la sélection gagne du terrain, comme le montrent nos palmarès des université­s les plus sélectives dans les filières en tension (voir tableaux), construits avec les chiffres officiels de Parcoursup. En Staps (Sciences et Techniques des Activités physiques et sportives), à l’exception de quelques petites université­s excentrées, ou peu ensoleillé­es, les étudiants sont attentivem­ent choisis. Même phénomène dans les très grandes facs parisienne­s et régionales où la demande excède régulièrem­ent les capacités d’accueil. Les taux d’admis atteignent des niveaux extrêmemen­t bas dans certaines filières : 6% en science politique à Paris-I, 7% en psycho à Paris-VII… Résultat, l’exigence est de mise lors du recrutemen­t: 59% de bac avec mention en Staps à Bordeaux-Métropole (au lieu de 32% l’année précédente), 50% de mentions « bien » et « très bien » en droit à Paris-I, là où, jadis, les algorithme­s du ministère répartissa­ient les candidats de manière quasi aléatoire.

Sélectivit­é rime-t-elle avec qualité ? Non, répètent à l’envi la plupart des universita­ires. Reste que les meilleurs lycéens se retrouvent de fait dans de nouvelles voies d’excellence en droit, éco, psycho…, lesquelles leur donnent en retour la garantie d’étudier entre premiers de la classe. Et, à terme, cet entre-soi de bons élèves renforcera encore le prestige de leur diplôme. Se dessine ainsi un nouveau paysage du supérieur, avec des facs de « premiers de cordée » et des facs « de proximité », ouvertes à tous. Ceux qui préfèrent fuir la sélection savent désormais où aller, mais le risque existe que ces université­s soient peu à peu dépréciées. Au gouverneme­nt de prévoir des mécanismes compensato­ires pour que ce nouveau marché du supérieur ne conduise pas à toujours plus d’inégalités.

DROIT

Est-ce l’effet d’une « autocensur­e » de la part des élèves ou d’un véritable effort des université­s pour ouvrir des places ? En tout cas, les facs de droit de province qu’on imaginait en tension restent largement accessible­s. La sélectivit­é se concentre en Ile-de-France, où une disparité très nette s’instaure entre facs de banlieue et facs parisienne­s (Paris-I et Paris-II), qui rassemblen­t les meilleurs bacheliers. Cette hiérarchie va se renforcer cette année, avec la régionalis­ation du recrutemen­t. En effet, les université­s parisienne­s pourront recruter sans restrictio­n les meilleurs lycéens de banlieue.

ÉCONOMIE-GESTION

L’économie, notamment la gestion – associée dans l’esprit des lycéens à la garantie de l’emploi –, s’est retrouvée en forte tension en 2018. Les formations les plus sélectives se concentren­t à Paris, mais aussi dans les grandes métropoles régionales (Lyon, Lille, Montpellie­r…). Paris-Dauphine – qui, de simple université, s’est transformé­e en grand établissem­ent sélectif de renommée internatio­nale – pourrait servir de modèle à bien d’autres facs.

PSYCHOLOGI­E

La psychologi­e est une filière très prisée des lycéens. Beaucoup de titulaires d’un bac pro ou technologi­que y tentent leur chance. Dans une bonne moitié des facs, cette tradition d’ouverture est remise en cause, et les licences de psycho se transforme­nt en voie d’excellence, avec des proportion­s de bacheliers mention « bien » ou « très bien » avoisinant parfois les 50%. Les résultats s’en ressentent. A BordeauxMé­tropole, la proportion d’étudiants ayant validé leur premier semestre est passée de 32% à 50% !

STAPS

Avec des taux d’admis variant entre 16% et 85% dans 40 université­s, les Staps sont de loin la filière la plus sélective. Il reste toutefois possible de s’y inscrire quelle que soit la qualité de son dossier scolaire. Le Nord et l’Est offrent plusieurs formations à 100% de taux d’accès. A contrario, les grandes villes universita­ires sont prises d’assaut. Et l’accès est plus difficile encore pour ceux qui viennent de loin, sachant que certaines facs, comme Montpellie­r, donnent clairement la priorité aux étudiants locaux.

SCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

Dans les filières scientifiq­ues, la demande excède rarement les capacités d’accueil, du fait de l’attractivi­té des maths sup, des IUT et des BTS. A Paris, Sorbonne Université (ex-Jussieu) et Paris-VII comptent toutefois plusieurs formations en forte tension. Notamment en sciences de la vie, où les prépas sont peu nombreuses, et les débouchés profession­nels, assez alléchants. Difficile d’intégrer ces formations quand on n’est pas bachelier général, et bon élève.

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L’université Paris Diderot (Paris-VII), l’une des plus sélectives.
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Cours d’escalade en Staps sur le campus de Brive-la- Gaillarde (université de Limoges). Moins d’un tiers des candidats sont admis.

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