Xavier Dolan
Après une gestation compliquée et un tollé critique aux Etats-Unis, où il n’est toujours pas sorti, son septième film, “Ma vie avec John F. Donovan”, avec Kit Harington et Natalie Portman, débarque enfin dans nos salles
1 PRÉCOCE Le 20 mars, Xavier Dolan fêtera ses 30 ans, dont dix de carrière. Il a remporté le prix du jury à Cannes avec « Mommy », le grand prix du même festival et le césar du meilleur réalisateur pour « Juste la fin du monde ». Alors que sort « Ma vie avec John F. Donovan », il a déjà fini « Matthias et Maxime », son huitième long-métrage, que l’on devrait voir en mai sur la Croisette. 2 LETTRES « Ma vie avec John F. Donovan » retrace le destin tragique d’un acteur, star de la télé, mis au ban à la suite de révélations sur son homosexualité et sur la correspondance qu’il entretient avec un jeune fan. L’idée du film vient de la lettre qu’à l’âge de 9 ans Dolan a envoyée à Leonardo DiCaprio après avoir vu « Titanic » plusieurs fois. « J’écrivais souvent aux vedettes de mes séries préférées : “Roswell”, “Buffy contre les vampires”, “Charmed”, se rappelle Dolan. A 11 ans, après avoir vu “Thelma et Louise”, j’ai écrit à Susan Sarandon. » Elle interprète aujourd’hui la mère de John F. Donovan. 3 HYPOCRISIE « Donovan » est une charge contre l’hypocrisie de Hollywood vis-à-vis de l’homosexualité. « Si Chris Evans, en 2006, s’était affiché sur un tapis rouge avec un homme, il ne serait jamais devenu Captain America. Le star-system est, en surface, libéral, ouvert d’esprit… alors qu’au fond les décideurs sont très conservateurs, car désireux de plaire à un large public, plus traditionaliste. Et je ne crois pas que les mouvements de libération que nous connaissons depuis trois ans changent les rouages profonds du système. » 4 COMING OUT « Un grand producteur américain gay m’a dit que le scénario de “Donovan” était irréaliste. Qu’aujourd’hui, à Hollywood, une célébrité pouvait afficher son homosexualité sans craindre pour sa carrière. Et il citait en exemple des acteurs, tous mariés à des femmes, avec des enfants, dont seuls les gens du métier savent qu’ils sont homosexuels! » Son coming out, Xavier Dolan l’a fait dès son premier film, l’autobiographique « J’ai tué ma mère ». 5 COUPES Premier long-métrage du cinéaste québécois avec des stars américaines, « Donovan » a une histoire mouvementée. « Cela a été très pénible. Le montage a duré deux ans. Le scénario était beaucoup trop long, il aurait fallu en retrancher la moitié. Ce que j’ai fait après l’avoir tourné. » D’où la suppression des scènes avec Jessica Chastain, qui a fait jaser. « Cela n’a rien à voir avec elle, mais avec mes choix, qui étaient caricaturaux. Son personnage de rédac chef de tabloïd marquait une rupture de ton trop importante. On était dans la satire, ce qui n’est pas le cas du reste du film. » 6 RÉSEAUX SOCIAUX Dans le film, la chute de Donovan, nourrie par les médias et la rumeur, précède l’ère des réseaux sociaux. « J’ai voulu ce décalage temporel pour montrer que cela a empiré depuis », précise Dolan. Lui-même a fermé son compte Twitter après y avoir été très actif, voyant dans l’acharnement des « détesteurs » (sic) « une extension des violences de cour d’école ». 7 “NINETIES” L’esthétique dolanienne est marquée par les années 1990 : celles de son enfance, de la nostalgie. « Les esprits s’élargissaient : le rideau de fer tombait, on apprenait qu’on n’allait peut-être pas mourir du sida, les préjugés sur les homosexuels s’apaisaient. On se disait qu’avec l’an 2000 cela irait encore mieux… » 8 “MAGNOLIA” Ce tropisme nineties innerve « Donovan », hommage au cinéma américain de l’époque, et à « Magnolia », de Paul Thomas Anderson, en particulier. « Une de mes grandes sources d’inspiration. La scène avec Julianne Moore chez l’apothicaire a inspiré toutes les colères féminines de mes films, et il y en a… » 9 MAMAN La figure centrale de son cinéma. Il y en a deux dans « Donovan », le film de la réconciliation mère-fils. La sienne, Geneviève, fonctionnaire de l’Education nationale, l’a élevé seule à Longueuil, banlieue populaire de Montréal et décor de « Mommy ». 10 COCTEAU De l’auteur du « Sang d’un poète », Xavier Dolan a cette phrase tatouée sur le bras : « A l’impossible je suis tenu. » Il en a fait son mantra, lui qui écrit, réalise, produit, monte, conçoit les costumes, la sélection musicale et les dossiers de presse de chacun de ses films… Quand il ne joue pas aussi dedans!