“Ils ne sont pas les bienvenus”
Nathalie Goulet est sénatrice de l’Orne (UDI) et a présidé la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, qui a entamé ses travaux en 2014.
La France doit-elle laisser les djihadistes sur place ou les faire revenir ? Compte tenu de l’imprévision générale de l’Etat sur le sujet, de ses hésitations et du climat qui prévaut au sein de nos institutions judiciaires et pénitentiaires – toutes deux au bord de la crise de nerfs –, il est clair qu’ils ne sont pas les bienvenus dans un système qui est d’ores et déjà dépassé. Nous voyons bien l’état d’écorchure et de sensibilité extrême de la société française. Il n’y a pas de bonne solution. Il faut les juger sur place, que ce soit en Irak ou en Syrie, en rappelant fortement que l’« Etat islamique » a, là-bas, commis des crimes épouvantables et provoqué un nombre conséquent de victimes qui ont le droit de voir leurs bourreaux jugés en leur présence. Combien de combattants seraient concernés ? Les parlementaires n’ont pas d’autres chiffres que ceux qui circulent dans la presse. Mais ces données ne sont pas l’élément le plus important. Quel que soit le nombre de prévenus, nous sommes confrontés au fait de ne pas disposer d’un sas de sécurité pour leur retour ni de mesures européennes et de justice réellement adaptées. Ces djihadistes reviendraient dans un système instable, qui ne fonctionne pas bien. Ils seraient des éléments de perturbation. Vous vous êtes rendue dans plusieurs établissements pénitentiaires pour observer les conditions proposées. Leur détention en France présente-telle les garanties nécessaires en termes de sécurité et de réinsertion ? Je suis suspicieuse à l’égard des dispositifs de déradicalisation. Il existe bien des gens qui peuvent être sauvés de cet endoctrinement, mais dans le climat social et général qui règne en France, où tant de liens sociaux sont à reconstruire, les images d’actualité ne sont pas de nature à apaiser. La République peut être bonne mère, bonne fille, mais elle n’a pas le droit d’être naïve. Or, aujourd’hui, la France pèche par délit de naïveté. Quelle autre option pourrait être envisagée ? J’avais proposé un tribunal pénal international. Je continue de plaider pour cette option. Cela permettrait de mettre en place un sas sécurisé commun à l’Europe. Cette juridiction pourrait être basée, par exemple, à La Haye, et serait aussi un lieu de détention commun, qui ne soit ni Guantanamo ni les îles Kerguelen, mais qui permettrait de centraliser ces retours et de mettre en commun le travail des juges européens. En attendant, il me semble qu’un jugement des djihadistes sur les lieux de leurs crimes s’impose. Ils pourront être assistés d’un avocat français sur place s’ils le souhaitent.