ROUSSEAU ET LA VOLONTÉ GÉNÉRALE
La plateforme numérique grâce à laquelle le mouvement italien 5 Etoiles prétend faire de la démocratie directe en collectant les contributions de ses membres s’appelle Rousseau. On ne saura jamais ce que l’austère citoyen de Genève aurait pensé de cette récupération par le parti populiste de Beppe Grillo. Mais cela nous rappelle que, près de deux cent cinquante ans après la mort de l’auteur du « Contrat social », ses thèses restent d’une modernité brûlante. Comme son vieil ennemi Voltaire, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) occupe plus d’un chapitre dans le grand livre de l’histoire culturelle. Avec ses « Confessions » (1782), il invente l’autobiographie moderne. Avec la « Nouvelle Héloïse » (1761), il annonce le basculement vers le romantisme. Et avec l’« Emile » (1762), traité d’éducation, il tient une place de choix dans l’évolution de la pédagogie. Comment oublier son rôle dans le champ de la pensée politique ? Associé aux Lumières, Rousseau en est aussi un critique. Contrairement à Voltaire ou à Diderot, cet ancien camarade avec qui il se brouille à mort, il ne croit pas à la civilisation, au progrès. Il regrette l’heureux temps de l’état de nature, où les hommes vivaient libres et heureux. Pourtant, ce pessimisme le conduit à proposer une organisation de la société qui reste la matrice de nos démocraties. En acceptant le « contrat social », les hommes aliènent un peu de leur liberté naturelle, mais, tous ensemble, ils promeuvent un ordre fondé sur l’égalité et la justice, et qui a pour but de faire triompher la volonté générale.
Par FRANÇOIS REYNAERT