Trop lugubre, Lambert Wilson!
LE MISANTHROPE, DE MOLIÈRE. THÉÂTRE LIBRE, PARIS-10E, 01-42-38-97-14, 20 HEURES.
Célimène a 20 ans et l’indique à deux reprises. A la prude Arsinoé d’abord, puis au misanthrope Alceste, quand l’un et l’autre voudraient la voir renoncer au monde. Alceste, dont l’âge n’est pas précisé par Molière, ne doit pas être beaucoup plus vieux. Sans quoi Oronte et Arsinoé ne s’offriraient pas à parrainer ses débuts à la Cour. Si c’était un homme mûr, son indignation envers la comédie à laquelle contraint toute vie en société tomberait dans la naïveté et le ridicule. Ce serait un enfonceur de portes ouvertes. Au contraire, tout le monde fait preuve d’indulgence à son égard : Arsinoé, Eliante, Philinte… Même Oronte – jusqu’à ce que ce blanc-bec lui lâche à la face que son sonnet est nul. Quant à Célimène, toute moqueuse qu’elle est, il faut bien qu’elle en soit éprise puisqu’elle lui accorde sa main. Qu’il est nigaud de la refuser ! (Surtout quand elle a la fraîcheur et la vivacité de Pauline Cheviller (photo) !) On comprend mal que la coquette soit séduite par le misanthrope incarné par Lambert Wilson (photo). Miséricorde! Il a l’air aussi engageant que le Grand Inquisiteur. Lugubre, méchant, terrorisant. Et pas de la première jeunesse. Le spectacle peu imaginatif de Peter Stein nous ramène aux temps où les acteurs de plus de 50 ans monopolisaient – donc dénaturaient – le rôle d’Alceste. Le grand talent de Brigitte Catillon (Arsinoé succulente) et Jean-Pierre Malo (Oronte) ne contrebalance pas notre impression d’un terrible retour en arrière.