Les morts et les vivants
Où l’on voit que parfois ils se confondent
L e pasteur pentecôtiste Alph Lukau, de l’Église Alleluia Ministries International, n’y est pas allé de main morte, la semaine dernière : il a ressuscité un mort. Ça s’est passé en Afrique du Sud. Alph Lukau était en plein ministère, sapé comme un milord, devant une foule de fidèles, quand un corbillard motorisé conduisit à ses pieds un cercueil où reposait un jeune homme dans toute sa raideur cadavérique. Le couvercle de sa dernière demeure n’avait pas été vissé car sa famille le confiait au pasteur pour que, tel Lazare en des temps anciens, il pût rentrer à pied à la maison. C’est ce qui se passa. Le pasteur, muni d’un micro pour qu’on l’entende, entra en prière, tendit la main au mort, le mort s’en saisit, se dressa sur son séant, puis se leva : il vivait !
Ça, maman, si c’est pas du miracle, un miracle, je sais pas ce que c’est. Il roulait des yeux étonnés, le mort, forcément, il se retrouvait sur terre alors qu’il s’attendait au paradis. Il fit des pas. D’abord timides, de plus en plus assurés. Il avait faim, n’ayant rien mangé depuis qu’il avait été mort. On l’installa et lui apporta une pizza qu’il dévora d’un bel appétit. Votre chroniqueur n’y était pas mais il est probable que des quêteurs passaient parmi les fidèles dans le même moment.
Le devant de la scène était bien sûr filmé, di usé sur l’Internet, confortant les croyants dans leur foi, suscitant les quolibets des esprits forts. Quelqu’un qui ne fut pas content, ce fut l’entrepreneur des pompes funèbres, accusé de s’être prêté à un simulacre et jurant que son corbillard lui avait été emprunté par ruse. Le président de la République sud-africaine n’est pas content non plus et il menace de dissoudre les Églises qui procèdent à des faux miracles. Celles qui procèdent à des miracles véritables de protester que c’est une menace pour toutes les religions car qui saura distinguer les vrais miracles des faux? Seul, Dieu le peut. Laissons Dieu en juger.
Et le pasteur Lukau, que dit-il? Se rendant compte qu’il avait dû aller trop loin, il minimise son rôle. A l’entendre aujourd’hui, le mort n’était déjà plus tout à fait mort quand on le lui avait présenté. Dieu avait initié la résurrection. Par ses prières, il n’a fait que la mener à bonne fin. Il remercie Dieu de l’avoir choisi pour instrument. On sent le gars malin. Si Dieu n’existait pas, il l’aurait inventé.
Changeons de continent. Transportons-nous chez les Blancs. Encore que, maintenant, tout le monde est un peu mélangé. Au
e siècle, on ne l’était pas. Quand les croisés partaient pour Jérusalem délivrer le tombeau du Christ bien qu’il fût ressuscité (lui aussi) et en allé au loin, il leur arrivait d’en revenir, honorés après leur mort par leurs frères restés au pays. L’église St. Michan, à Dublin, abrite dans sa crypte plusieurs corps momifiés, dont celui d’un croisé, les pèlerins s’y recueillent, les touristes y prennent des photos. Il a fallu, il y a quelques jours, que des vandales s’emparent de la tête du croisé et l’emportent dans on ne sait quel but. Tout laisse penser qu’à l’air libre elle tombera en poussière, ils seront bien avancés.
C’est malheureux, ces gens qui ne respectent rien. Heureusement que d’aucuns ne plaisantent pas avec le sacré. On sait que la Torah, bien avant que les applications de l’électricité ne fussent découvertes, a interdit son utilisation le jour du sabbat. Ainsi un juif orthodoxe n’ouvrira-t-il pas une porte en utilisant un code qui fonctionne à l’électricité. Quid des serrures magnétiques qu’on trouve dans les hôtels? Le rabbin israélien Menachem Perl, de l’Institut Tzomet, qui se présente comme expert de la question, réserve sa réponse jusqu’à la mise au point de serrures intelligentes. L’intelligence, voilà qui nous sauvera.
Le couvercle de sa dernière demeure n’avait pas été vissé.