L'Obs

Muriel Robin

L’humoriste est devenue une icône de la lutte contre les violences faites aux femmes et réclame que les pouvoirs publics prennent leurs responsabi­lités

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1 JULIE DOUIB C’est le nom de cette mère de famille de 34 ans tombée sous les balles de son ex-conjoint, le 3 mars dernier en Haute-Corse. Lors d’une marche blanche, Muriel Robin est apparue aux côtés de ses proches, indignée que la jeune femme n’ait pas été sauvée malgré les plaintes déposées. Aujourd’hui, Muriel Robin est en colère : « Si nous étions sa mère, son père, son frère, nous serions là, à nous taper la tête contre les murs. »

2 HUMOUR On peut rire de tout, mais pas n’importe comment. C’est ce qu’elle a rappelé à son confrère Jean-Marie Bigard, auteur d’une blague télévisée pas drôle sur le viol. Bigard a osé un parallèle entre sa blague et le sketch où Muriel Robin dénonce une mère raciste et s’est fait recadrer sur le blog de la comédienne : « Si on ne comprend pas que le personnage qui est montré du doigt et critiqué est la mère… je ne peux rien faire. »

3 JACQUELINE SAUVAGE Le déclic est venu de là. Pour TF1, Muriel Robin s’est glissée dans la peau de cette femme qui a tué son mari, après avoir été battue pendant quarantese­pt ans. L’humoriste se souvient d’un tournage éprouvant, pendant lequel son partenaire Olivier Marchal la secoue. « Pendant quinze jours, il m’a balancée contre des murs. Et même si c’était faux, quand on disait “coupez!”, tout le plateau était bouleversé. » Quand le film a été bouclé, elle s’est engagée : « La graine était semée. »

4 VISIBILITÉ Le premier jour de l’année 2019, c’est encore elle qu’on a entendue tonner contre le classement des personnali­tés préférées des Français du « Journal du Dimanche ». En cause? L’absence de femmes dans les quinze premières places (elle-même était à la trentehuit­ième position) : « Il y en a marre! dénonçait-elle alors. C’est presque toujours les hommes d’abord, à part sur les bateaux qui font naufrage. »

5 MILLIARD Au « JDD », Muriel Robin déclarait fin 2018 qu’il fallait que la France débloque « au moins 25 millions d’euros » pour commencer à être efficace dans la lutte contre les violences conjugales. Aujourd’hui, elle parle d’un milliard d’euros. Et elle sait très bien dans quoi elle les dépenserai­t : « La formation des gendarmes, des policiers, des magistrats et des avocats. Parce que le deuxième cauchemar des victimes commence au dépôt de plainte. » Elle veut aussi la création de centres d’hébergemen­t dédiés spécifique­ment aux femmes qui fuient leurs conjoints violents.

6 EMPRISE « Pourquoi la victime n’est-elle pas partie? » Cette sempiterne­lle question épuise Muriel Robin, qui estime qu’on l’entend trop souvent dans ces affaires. Elle souligne la précarité de ces femmes, autour desquelles les agresseurs font le vide, et la honte qui les paralyse. « Une femme violentée ne part pas parce qu’elle n’a pas d’argent, pas de voiture, rien. Parce que l’agresseur fait en sorte d’avoir la mainmise sur elle. Souvent aussi parce qu’elle a des enfants. »

7 COURRIERS Depuis qu’elle intervient sur le terrain des violences conjugales, elle reçoit « des lettres, des e-mails, des “Facebook” » de la part de femmes en danger qui cherchent de l’aide. Elle répond chaque fois: « Croyez en ma force et ma déterminat­ion. » A défaut de pouvoir accompagne­r chacune d’elles: « De toute façon, ce n’est pas là que je serais utile. J’aiderais trop peu de gens. »

8 RESPONSABI­LITÉ Parmi les histoires que Muriel Robin retient, il y a celle de cette femme qui pense à quitter le pays parce que son conjoint va sortir de prison et qu’il menace de tuer les enfants quand il sera dehors, « pour qu’elle soit triste jusqu’à la fin de ses jours ». Ce qui la motive? L’idée de sauver des vies : « Si un drame arrive, moi, je me sentirai responsabl­e. »

9 ABSTENTION Issue d’une famille modeste de SaintEtien­ne, la comédienne aurait pu rejoindre bruyamment les « gilets jaunes ». Elle s’en est abstenue, se contentant d’un lapidaire: « Quand les entreprise­s s’en foutent plein les poches et écrasent les gens pour avoir plus, il y a quelque chose qui ne va pas. » A l’endroit de Franck Dubosc, qui les a maladroite­ment soutenus, elle a même eu cette phrase, digne des moralistes du XVIIe siècle : « Quand on n’a rien à dire, il ne faut rien dire. »

10 ALZHEIMER A 63 ans, elle est l’une des premières à donner une voix à ces Français qui assistent, impuissant­s, à l’engloutiss­ement de leurs parents dans alzheimer. Son sketch (« Ben on est venus en bateau! ») sur le sujet est à la fois drôle et éprouvant tant il sonne vrai. L’anecdote selon laquelle elle doit faire semblant d’appeler son père mort depuis des années pour faire plaisir à sa mère est à 100% authentiqu­e.

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HENRI ROUILLIER, AVEC ARNAUD GONZAGUE

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