L'Obs

“Le mandat local est un apprentiss­age de la complexité”

- Patrick Mignola Propos recueillis par TIMOTHÉE VILARS

Décidée en 2014, la fin du cumul des mandats a été actée en juillet 2017, conforméme­ment à la promesse d’Emmanuel Macron. Pourquoi vouloir déjà la remettre en question ?

La promesse a été tenue. Mais il manquait un élément capital dans cette réforme : la différenci­ation des territoire­s. Certains sont denses, d’autres, dispersés. Il ne faut pas se cacher derrière une idéologie qui ferait appliquer la même règle en tout lieu. Quand on est député dans une grande ville, il est assez facile d’écouter la base, de contrôler l’applicatio­n des décisions et de rendre des comptes. Pour un député sans expérience locale, élu dans une circonscri­ption rurale de 150 communes, c’est plus compliqué : certains sont oubliés dans les invitation­s du préfet ou ne connaissen­t pas le président de la chambre de commerce, et passent le plus clair de leur mandat à faire le tour des mairies pour se présenter. Ceux qui s’en sortent sont ceux qui avaient déjà une aura profession­nelle, associativ­e ou administra­tive. La vraie question, c’est l’ancrage. A cet égard, la diminution du nombre de parlementa­ires risque d’être un facteur aggravant.

Quels ajustement­s pourrait-on, selon vous, apporter ?

Je pense qu’on peut amender la loi de 2017 à deux conditions : la première, c’est l’interdicti­on du cumul d’indemnités. Car si les Français sont aussi réticents au cumul des mandats, c’est qu’ils sont persuadés que les députés le font pour l’argent. Ecartons donc d’emblée ce soupçon. La seconde : choisir la bonne dimension de la collectivi­té. En effet, la gestion de celle-ci ne doit pas être chronophag­e afin que l’élu puisse se consacrer à son activité parlementa­ire. On pourrait par exemple autoriser un député à être maire d’une commune de moins de 3 000 habitants, ou, éventuelle­ment, vice-président de conseil départemen­tal ou régional. Je reste en revanche partisan d’un « sain cumul » : celui de l’activité profession­nelle et du mandat électif.

Vous avez vous-même été maire de La Ravoire (8 000 habitants) pendant seize ans. En quoi cette expérience vous semble-t-elle essentiell­e ?

Le mandat local est un apprentiss­age de la complexité, et un antidote au manichéism­e car un problème complexe n’a jamais une solution unique. Par ailleurs, l’élu local voit fonctionne­r les administra­tions et peut vérifier que les mesures votées à Paris sont bien appliquées sur le terrain. J’ai soutenu la fin du cumul des mandats, mais j’ai quitté ma mairie à regret. Aujourd’hui, je me rends compte qu’un député ne peut pas être en suspension dans l’air. J’ai le souci permanent de rester en contact avec le terrain, et c’est plus difficile sans responsabi­lité exécutive opérationn­elle. Il ne faut pas en revenir au système précédent, mais la légitimité d’un député se fonde aussi sur la manière dont il fait vivre la démocratie au sein de son territoire.

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est député de la quatrième circonscri­ption de Savoie, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale.

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