“Le mandat local est un apprentissage de la complexité”
Décidée en 2014, la fin du cumul des mandats a été actée en juillet 2017, conformémement à la promesse d’Emmanuel Macron. Pourquoi vouloir déjà la remettre en question ?
La promesse a été tenue. Mais il manquait un élément capital dans cette réforme : la différenciation des territoires. Certains sont denses, d’autres, dispersés. Il ne faut pas se cacher derrière une idéologie qui ferait appliquer la même règle en tout lieu. Quand on est député dans une grande ville, il est assez facile d’écouter la base, de contrôler l’application des décisions et de rendre des comptes. Pour un député sans expérience locale, élu dans une circonscription rurale de 150 communes, c’est plus compliqué : certains sont oubliés dans les invitations du préfet ou ne connaissent pas le président de la chambre de commerce, et passent le plus clair de leur mandat à faire le tour des mairies pour se présenter. Ceux qui s’en sortent sont ceux qui avaient déjà une aura professionnelle, associative ou administrative. La vraie question, c’est l’ancrage. A cet égard, la diminution du nombre de parlementaires risque d’être un facteur aggravant.
Quels ajustements pourrait-on, selon vous, apporter ?
Je pense qu’on peut amender la loi de 2017 à deux conditions : la première, c’est l’interdiction du cumul d’indemnités. Car si les Français sont aussi réticents au cumul des mandats, c’est qu’ils sont persuadés que les députés le font pour l’argent. Ecartons donc d’emblée ce soupçon. La seconde : choisir la bonne dimension de la collectivité. En effet, la gestion de celle-ci ne doit pas être chronophage afin que l’élu puisse se consacrer à son activité parlementaire. On pourrait par exemple autoriser un député à être maire d’une commune de moins de 3 000 habitants, ou, éventuellement, vice-président de conseil départemental ou régional. Je reste en revanche partisan d’un « sain cumul » : celui de l’activité professionnelle et du mandat électif.
Vous avez vous-même été maire de La Ravoire (8 000 habitants) pendant seize ans. En quoi cette expérience vous semble-t-elle essentielle ?
Le mandat local est un apprentissage de la complexité, et un antidote au manichéisme car un problème complexe n’a jamais une solution unique. Par ailleurs, l’élu local voit fonctionner les administrations et peut vérifier que les mesures votées à Paris sont bien appliquées sur le terrain. J’ai soutenu la fin du cumul des mandats, mais j’ai quitté ma mairie à regret. Aujourd’hui, je me rends compte qu’un député ne peut pas être en suspension dans l’air. J’ai le souci permanent de rester en contact avec le terrain, et c’est plus difficile sans responsabilité exécutive opérationnelle. Il ne faut pas en revenir au système précédent, mais la légitimité d’un député se fonde aussi sur la manière dont il fait vivre la démocratie au sein de son territoire.