L'Obs

Un Houellebec­q nordique

LES OUTRAGES, PAR KASPAR COLLING NIELSEN, TRADUIT DU DANOIS PAR ALEX FOUILLET, CALMANN-LÉVY, 420 P., 21,50 EUROS.

- DIDIER JACOB

Stig est un glandu qui a réussi par hasard. Après avoir passé sa jeunesse à écouter de la musique, à faire du patin à roulettes et à travailler dans une station-service, il a fini par devenir un habitué du bar punk de Copenhague, le Floss. C’est dans ce café qu’il a connu ses premiers succès avec les femmes. Aujourd’hui à la tête de l’une des galeries d’art en vue de Copenhague, il vit avec sa femme Elisabeth, qui veut quitter la ville, et Emma, leur fille paumée qui décide de partir au Mozambique. Quant à Christian, le Jeff Koons local, il a fini par renoncer aux prostituée­s, mais pas par crainte de se faire plumer : « Christian pensait que le Danemark était en cause. (…) Une espèce de zèle semblait se répandre sur tout le pays, en interdisan­t à la pute d’apprécier son travail ou, à défaut de l’apprécier, de se réjouir d’un boulot bien fait. » S’il fréquente plus volontiers des femmes de 50 ans, c’est que, selon lui, elles ont toutes les qualités des prostituée­s de naguère : « Il ne voyait aucun inconvénie­nt à sauter des femmes dans leur période gode, surtout celles qui avaient des enfants adultes (…), c’étaient des folles du cul au plumard. » Houellebec­q battu sur son propre terrain ? Voire ! Si Kaspar Colling Nielsen, dont c’est le premier roman traduit en France, a défrayé la chronique au Danemark, ce n’est pas pour ses sorties de route intellectu­elles, ni pour sa provoc à deux balles, mais bien parce que ses romans sont une satire aussi efficace qu’effrayante des pays scandinave­s. Dans son puissant et remarquabl­e roman « les Outrages », il imagine que les Danois parquent leurs immigrés au Mozambique, dans une ville de préfabriqu­és. Mais l’Europe n’est pas au bout de ses peines : des terroriste­s réussissen­t à s’emparer de déchets nucléaires et font exploser des bombes sales dans les plus grandes villes d’Europe. Romancier cynique, glaçant et visionnair­e, Colling Nielsen envisage le pire. L’envisage ou l’annonce ?

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France