L'Obs

Autel California

NIGHT SKETCHES, PAR PAPOOZ (HALF AWAKE).

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Postmodern­e solitude ? Le duo français Papooz, composé d’Ulysse Cottin (brun) et d’Armand Penicaut (blond), puise dans la modernité comme si c’était leur tradition. Sur leur deuxième album, ils mêlent les brillantes sonorités synth-pop au folklore satiné du California groove, un genre archéologi­que que la génération qui a grandi au son du rap redécouvre comme une alternativ­e funky. L’autre soir, à « The Voice », un jeune Suisse prénommé Léonard faisait une reprise plus qu’aimable de « Georgy Porgy », du groupe Toto. Le mois dernier, le Néerlandai­s Benny Sings sortait un disque gorgé de références à la musique de la côte Ouest des années 1970 et 1980. L’été dernier, Warner publiait « California Groove IV », un baril de yacht rock et de blue eyed soul originaire­s des Etats-Unis, mais aussi de Suède, de France, d’Angleterre, de Nouvelle-Zélande ou d’Espagne. La raison de cette postérité serait-elle aussi économique ? Il est vrai qu’aujourd’hui la technologi­e offre à tous les musiciens la possibilit­é de retrouver les textures de synthétise­urs analogique­s (notamment Oberheim) qui, jadis, coûtaient le prix de trois éléphants.

Affables inspecteur­s généraux des monuments historique­s, Papooz (leur nom, disent-ils, vient de l’Algonquin, un dialecte de l’ojibwé, et signifie « enfant » en amérindien ou « berceau » en anglais), cultive et restaure un patrimoine glorieusem­ent illustré par Steely Dan, Michael Franks ou Christophe­r Cross. D’ailleurs, le Papooz Armand Penicaut a passé une partie de son adolescenc­e en Californie. Moins requins que P’tits Quinquins de studio, ils s’amusent non sans talent à caracoler dans le kitsch, le pastiche ou l’esthétique du store vénitien cher au cinéma des années 1980. Comme d’autres jouent au Kapla, ce jeu de constructi­on à base de planchette­s en pin des Landes. Comme l’encyclopéd­ique duo américain MGMT pressure les sons des claviers de la new wave. Oui, disons-le, parfois, en écoutant Papooz, on croirait entrevoir, entre les lames des stores vénitiens, l’ombre du brushing de Barry Manilow, l’immortel auteur de « Copacabana » (écoutez le refrain de « Pacific Telephone »). Malgré ce répertoire jusqu’au-boutiste, on se laisse prendre aux voix féminines, attachante­s et voilées, des deux Papooz, et à l’invisible mélancolie qui baigne ce très gracieux exercice de muzak.

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