L'Obs

Les lundis de Delfeil de Ton. Les mots croisés

Où l’on voit qu’à 7 ans on a tout à découvrir de la vie

- D.D.T.

T u vends du diamant. Tu en achètes, aussi, pour le revendre. En 2015, tu vendis un diamant bleu, célébrissi­me auprès des amateurs : le Blue Moon. Acquis par un milliardai­re de Macao, celui-ci l’o rit à sa fille. Agée de 7 ans, la fille. Josephine de son prénom. Ce diamant, du coup, n’est plus désigné que sous le nom de Blue Moon of Josephine que lui a donné son papa. Voilà un bon papa. Un peu condamné pour corruption sur les bords mais on n’obtient pas des milliards en suivant toujours les chemins de l’honnêteté tout tracés, sinon tout le monde le serait, milliardai­re.

Le Blue Moon, tu l’avais mis en vente à Genève, là où les milliards se plaisent parce que les eaux du lac ne sont pas agitées. Le milliard aime la sérénité. Ce fut l’enchère de tous les records. Jamais le carat n’avait atteint un tel prix. En tant que diamantair­e, tu avais lieu de t’en féliciter. En tant que milliardai­re toi-même, tu étais heureux de voir cette merveille emportée pas un frère en milliards.

Heureux, bien sûr, mais heureux un jour, est-ce le bonheur ? Tu as 65 ans. Tu as connu l’amour, si la chasse aux milliards t’en a laissé le temps. Tu l’as connu si tu l’as rencontré, car comment savoir si on est aimé pour soi ou pour son argent ? Dès qu’on a trois sous, ces a res surviennen­t. Les sous, c’est à la fois une aide et un obstacle. Quoi qu’il en soit, mieux vaut sans doute en avoir que n’en avoir pas. Les sous et une bonne bite.

Ça ne se trouve pas dans le pas d’un cheval, une bonne bite. Un diamant, oui, à la rigueur. Pas une bite. On devient milliardai­re, on ne devient pas bien monté. Les deux iraient pourtant ensemble mais la perfection n’existe pas. Il faut parfois forcer la chance. A 65 ans, tu as décidé de la forcer. Ton diamant, là, entre les jambes, quelques carats de plus et le bonheur y est. Quelques centimètre­s ajoutés et tu n’as plus rien à craindre, ni à envier. Il y a des cliniques qui se font fort de te les procurer. C’est ainsi qu’Ehud Arye Laniado patron d’Omega Diamonds, diamantair­e bien connu, est mort la semaine dernière, à Paris, entre les mains et sous les yeux d’un chirurgien dans une clinique où les milliardai­res sont mieux reçus que les ayants droit à l’aide médicale gratuite. On ne dira rien à Josephine.

Ernest Quintana, lui, avait 78 ans. C’est à l’hôpital, qu’il est mort. En Californie. La veille, sa petite-fille était auprès de lui, couchée dans son lit et mal en point. Etait là également une amie lorsqu’un robot se présenta à la porte de la chambre. Un homme en blouse blanche apparaissa­it sur son écran. Les trois personnes, surprises, de regarder ce robot et de l’écouter car il se mit à parler. L’amie eut la présence d’esprit de photograph­ier la scène, sinon il nous serait di cile de croire qu’une telle chose puisse avoir eu lieu. Alors, ce robot? Sans qu’on s’adresse à lui et sans lui-même s’adresser à personne, il donnait son diagnostic, comme un médecin. L’homme de l’écran était d’ailleurs un médecin. Il n’y allait pas par quatre chemins : poumons foutus, ôter le masque respiratoi­re et prendre de la morphine, mort imminente. Le robot se trouvant du côté de la mauvaise oreille, il fallut répéter son propos à Ernest Quintana puis la petite-fille se chargea de rapporter la nouvelle à sa grandmère quand celle-ci revint d’une douche qu’elle était allée prendre. Il y eut certaineme­nt plus d’égards, dans la clinique de Paris, pour le candidat à une élongation du pénis, mais c’est qu’on y pratique encore la médecine à l’ancienne, le chirurgien n’élonge pas à distance mais ça viendra. Il faudra que tu sois moderne, Josephine.

Heureux un jour, est-ce le bonheur?

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