Priorité au réparable !
Remettre en état de marche sa machine à café ou son smartphone… C’est désormais entré dans les moeurs. Un indice de “réparabilité” doit même bientôt nous aider à choisir les biens que nous allons acheter
D’habitude, Cyril, expert technique de l’entreprise Spareka, et Ophélie, animatrice, opèrent notre machine à café sur la place du village. Façon Lucien Jeunesse, ils sont les stars du Repair Tour de France, qui sillonne l’Hexagone depuis trois ans pour montrer aux Français qu’il est possible – et facile – de réparer au lieu de jeter. Mais en ce 6 mai confiné, l’événement a basculé sur internet. Dans la colonne de tchat, les questions fusent : « Ma machine à laver sent mauvais/ne fait pas son cycle de lavage », « ma cafetière fuit », « mon lave-vaisselle est bouché »… Sur l’écran, Cyril projette les « écorchés » des appareils, parle « résistance », « percolateur » et « pressostat », et renvoie pour les détails vers des tutos sur YouTube. « Nos objets n’ont pas une seule vie mais plusieurs. On peut réparer, revendre, échanger, donner… », égraine Ophélie. Elle parle
sous le contrôle de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise des Energies (Ademe), qui a lancé avec le ministère de la Transition écologique la plateforme de réemploi Longuevieauxobjets.gouv.fr.
Réparer? Cette tendance était déjà bien installée avant la crise du Covid-19 : les Français étaient 63% à réparer en 2019 selon l’Ifop, contre 56% en 2013. Tout indique que le confinement n’a fait que la renforcer. Certains s’en sont ouverts sur Twitter, publiant les photos de leurs exploits avec le hashtag #fixathome (« réparé à la maison »). Par désir ou par contrainte, notamment financière, ce réflexe est entré dans nos vies. Avec l’aide des pouvoirs publics, il pourrait s’imposer. 40% des pannes des produits électriques et électroniques donnent aujourd’hui lieu à une réparation en France, selon l’Ademe. Le gouvernement veut faire passer ce taux à 60%. Après la loi Hamon de 2014 contre l’obsolescence programmée, la loi Economie circulaire, adoptée en janvier dernier, propose plusieurs dispositifs à cet effet.
A commencer par la création d’un indice de « réparabilité », qui devrait voir le jour en 2021. Cette échelle de 1 à 10 permettra aux consommateurs de connaître la faculté du produit électrique ou électronique à être réparé facilement ou non. Plusieurs acteurs n’ont toutefois pas attendu la loi pour lancer leurs propres indices de réparabilité. A l’exemple de la plateforme communautaire de réparation iFixit, ou du Labo Fnac. « Nous attribuons une note à partir de quatre thèmes : la documentation en accès public, la modularité et l’accessibilité des composants dans l’appareil, la disponibilité et le prix des pièces détachées, la possibilité de faire évoluer le logiciel, décrit Régis Koenig, directeur de la politique services et de l’expérience client du groupe Fnac-Darty. L’évaluation est faite par nos techniciens sur la base de leurs observations, à la différence du futur indice officiel, qui sera élaboré par les constructeurs. »
DURABILITÉ ET ROBUSTESSE
La loi prévoit en outre la création d’un indice de « durabilité » à partir de 2024, qui inclura des critères supplémentaires, tels que la robustesse du produit. Là aussi, il est déjà possible de s’en faire une idée grâce à des acteurs associatifs tel Halte à l’obsolescence programmée (HOP), qui réalise des classements de produits en fonction de leur durabilité. L’enseigne Fnac-Darty s’est également avancée sur ce terrain en proposant une sélection labélisée « Le Choix durable » et un baromètre, qui s’appuient sur les retours de son puissant service après-vente. Avec un effet visible sur les constructeurs, assure Régis Koenig: « Toutes les marques veulent être sur le podium. Sur la disponibilité des pièces détachées pour le gros électroménager par exemple, les marques sont passées, à la rentrée 2019, de cinq-sept ans à dix ans. Et Miele de dix à quinze ans. »
DIMINUER L’EMPREINTE CARBONE
Concernant le petit électroménager, Magimix fait la course avec Seb, dont le label « Dix ans réparable », lancé dès 2012, s’applique désormais à la quasi-totalité des produits du groupe (Seb, Rowenta, Calor, Tefal, Krups…). La marque qui va le plus loin est cependant bien moins connue. Il s’agit de Kippit, jeune entreprise toulousaine qui a lancé en plein confinement une campagne de financement participatif de son premier produit : une bouilloire électrique multifonctions (cuit vapeur, cuisson des pâtes, théière…). Elle est fabriquée en atelier pour diminuer son empreinte carbone et favoriser l’emploi local, et promet d’être réparable à l’infini, quand la durée de vie d’une bouilloire est de quatre ans et demi. Difficile de faire plus raccord avec l’« après ».