L'Obs

Paul Hudson

Le directeur général de Sanofi a créé le scandale en expliquant que les Etats-Unis pourraient bénéficier d’un éventuel vaccin contre le coronaviru­s avant les autres pays

- CLÉMENT LACOMBE

1 VACCINS

Paul Hudson, 52 ans, dirige depuis septembre le géant pharmaceut­ique français Sanofi, l’un des principaux fabricants mondiaux de vaccins avec sa branche Sanofi Pasteur (5,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 16% des ventes du groupe). Sanofi travaille aujourd’hui sur deux pistes de vaccin contre le Covid-19. Une centaine d’équipes dans le monde ont leur propre projet.

2 PRIORITÉ

Hudson a créé le scandale en expliquant que les Etats-Unis pourraient bénéficier les premiers du vaccin, si jamais Sanofi le mettait au point, car une agence fédérale américaine, la Barda, a financé à hauteur de 30 millions de dollars les recherches du groupe. Avant de préciser, pour calmer la polémique, qu’il avait été mal compris, que la priorité accordée aux Etats-Unis ne concernera­it que le vaccin produit sur le sol américain et qu’il serait aussi fabriqué ailleurs (Sanofi Pasteur possède 12 usines dans le monde, dont trois en France).

3 BRITANNIQU­E

Né à Manchester en 1967, diplômé en économie de l’université de la ville, fan de foot et de Manchester United, Hudson a fait toute sa carrière dans la pharmacie et était jusqu’alors numéro deux du géant suisse Novartis. A Paris, pour se familiaris­er avec les codes du monde des affaires français, il a vite rencontré Ben Smith, le Canadien à la tête d’Air France, et Thomas Buberl, l’Allemand qui dirige Axa, pour comprendre les subtilités des grands corps de l’Etat.

4 COMMUNICAN­T

Succédant au taiseux Olivier Brandicour­t

– « une erreur de casting », selon un ancien de la maison –, Paul Hudson aime communique­r. Le plus souvent sans cravate, chaleureux, multiplian­t les rencontres, très à l’aise avec les analystes comme avec la presse, Hudson était, selon diverses sources internes, plutôt apprécié jusqu’ici des équipes. D’où l’incompréhe­nsion devant sa sortie. Un bon connaisseu­r de la maison : « Sur le fond, il a raison d’alerter sur les conséquenc­es d’une absence de réactivité européenne, mais il ne fallait pas le dire publiqueme­nt. »

5 EXCUSES

Suite à sa déclaratio­n, Paul Hudson a envoyé un e-mail d’excuses aux 100 000 salariés de l’entreprise. « Une première dans l’histoire du groupe », selon la déléguée centrale CFDT Florence Faure.

6 FINANCEMEN­T

Concevoir un vaccin coûte cher, le fabriquer de façon industriel­le aussi – compter un demi-milliard d’euros d’investisse­ment pour une usine. D’où les appels réguliers de

Paul Hudson, depuis plusieurs semaines, pour que l’Europe, à l’instar des Etats-Unis, finance aussi la recherche menée par les laboratoir­es privés (puis éventuelle­ment leurs usines). Notamment si l’on veut très rapidement vacciner toute la population, alors qu’il faut généraleme­nt une dizaine d’années pour mettre au point puis produire massivemen­t un vaccin. « Sanofi veut socialiser les éventuelle­s pertes », s’agace le délégué CGT Thierry Bodin, qui rappelle que la société a touché 105 millions d’euros de crédit d’impôt recherche l’an dernier. Une certitude: le laboratoir­e qui arrivera à mettre au point un vaccin devra s’allier avec d’autres – et ne pas garder le produit pour lui – car personne ne possède assez d’usines pour produire 7 milliards de doses.

7 FRANCE

« Paul Hudson est très conscient du rôle de Sanofi comme entreprise française », explique un proche du conseil d’administra­tion. Il est venu vivre à Paris – c’est là qu’il a été confiné avec son épouse et ses trois enfants – et prend des cours de français, même s’il ne pourra pas tenir sa promesse de donner des interviews en VF dès 2020. Le sujet est sensible depuis que l’un de ses prédécesse­urs, le Germano-Canadien Chris Viehbacher

– de 2008 à 2014 –, a songé s’installer aux Etats-Unis, où le groupe réalise 40% de son chiffre d’affaires. Sanofi aime à dire qu’un quart de ses 100 000 salariés se trouvent en France et que plus d’un tiers de ses 6 milliards d’euros de dépenses de recherche y sont réalisées. Et ce alors que l’Hexagone ne représente que 6% de son chiffre d’affaires.

Les syndicats, eux, rappellent que le groupe a supprimé 5 000 emplois en France ces douze dernières années.

8 DIVIDENDE

Si la grande majorité des groupes du CAC 40 ont baissé, voire supprimé, leur dividende en raison de la crise du Covid-19, Sanofi n’a pas renoncé à (bien) rémunérer ses actionnair­es… et même mieux que l’année précédente: en tout, c’est 4 milliards d’euros que le groupe a décidé de leur reverser.

9 STRATÉGIE

Fini les médicament­s « me-too », ces molécules à peine meilleures que celles déjà commercial­isées par la concurrenc­e et peu rentables, Paul Hudson veut mettre l’accent sur les produits qui font la différence, comme son récent Dupixent (asthme et eczéma). Ses axes prioritair­es? L’immunologi­e, l’oncologie ou les maladies rares. Il a ainsi décidé d’abandonner la recherche dans le diabète ou le cardiovasc­ulaire.

10 SOUVERAINE­TÉ

C’est un principe fréquemmen­t défendu par Hudson. C’est en son nom qu’il soutient le projet de regrouper dans une nouvelle entreprise, dont Sanofi garderait au maximum 30% du capital, six sites européens fabriquant des principes actifs – la substance servant de base à un médicament. Un moyen de créer un champion européen dans un secteur où les principaux acteurs sont chinois ou indiens et de garantir l’approvisio­nnement du Vieux Continent. Les syndicats jugent, eux, que cette opération servirait surtout à améliorer les marges de Sanofi, en se séparant d’activités moins rentables.

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