L'Obs

“Si les ARS étaient supprimées, on ne les pleurerait pas”

- Propos recueillis par RENAUD FÉVRIER

François Honorat est le président du syndicat de médecins anesthésis­tes réanimateu­rs libéraux.

Vous avez critiqué la gestion de la crise sanitaire par les Agences régionales de Santé (ARS). Que leur reprochez-vous ?

Vous connaissez l’histoire des ARS ? Elles ont été pensées, dès leur création, comme le bras armé de l’applicatio­n de la loi santé de Roselyne Bachelot. Elles obéissent en premier lieu au ministère des Finances, puis au ministère de la Santé. Ce sont des cadres administra­tifs qui depuis des années ferment des lits, suppriment des maternités, refusent l’ouverture de services dans le privé, etc. Une politique qui les a nécessaire­ment conduites à entrer en conflit avec tous les élus locaux. Face au coronaviru­s, les ARS ont imaginé qu’elles pouvaient tout gérer toutes seules. Mais il y a eu de gros couacs. En tant que fonctionna­ires, elles ont privilégié les hôpitaux publics, délaissant les médecins libéraux et les cliniques privées. C’est l’éternelle concurrenc­e délétère entre public et privé. Dans le Grand-Est, c’était sidérant : ils ont d’abord pensé à envoyer des patients en République tchèque ou en Pologne… avant de faire appel au privé ! Et je ne parle même pas des déclaratio­ns de Christophe Lannelongu­e sur les suppressio­ns de postes à Nancy…

Pour ma part, en région Paca, j’ai dû batailler pour réussir à entrer en contact avec l’ARS. C’était hermétique, ils n’écoutaient personne. Mais je ne veux pas non plus les accabler : l’Etat leur a demandé des choses qu’elles n’étaient tout simplement pas capables de faire. Elles ont manqué de réactivité, mais elles n’étaient pas préparées pour faire face à une telle crise.

Les ARS ont fini par faire appel au privé…

Oui, mais la coopératio­n public-privé avait déjà commencé entre confrères. Les ARS ont embrayé début avril, au plus fort de la crise, lorsque les hôpitaux étaient saturés. Les médecins du privé sont allés à leur secours. Pour faire face aux urgences, on a même rouvert des lignes de garde de médecins libéraux, qui avaient été supprimées. Des médecins que l’Etat devra indemniser.

Que préconiser­iez-vous pour améliorer le système ?

Je ne veux pas faire de l’ARS bashing : il est primordial de maintenir la discussion avec elles, comme c’est heureuseme­nt désormais le cas. Il faut qu’on puisse travailler ensemble. Mais savez-vous que les ARS coûtent 1 milliard d’euros chaque année ? Si elles étaient supprimées, on ne les pleurerait pas ! Il faut « désadminis­trer » la santé.

Il y a 20 % d’administra­tifs en trop dans les hôpitaux, alors qu’on manque cruellemen­t de soignants. Supprimons aussi la tarificati­on à l’activité (T2A) : la mission d’un hôpital n’est pas d’être performant ni de faire de l’argent ! Au-delà, nous devons aller vers plus de régionalis­ation, en s’inspirant du modèle allemand : la santé y est gérée par les 16 Länder, il n’y a pas de concurrenc­e entre le public et le privé, plus de lits de réanimatio­n, plus de médecins...

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