L'Obs

“Lorsqu’on joue le rôle du gendarme, on est rarement aimé”

- Propos recueillis par R. F. Alain Milon est sénateur LR du Vaucluse et président de la commission des affaires sociales du Sénat.

Sur le devant de la scène dans la lutte contre le coronaviru­s, les Agences régionales de Santé (ARS) sont vivement critiquées pour leur gestion de la crise. Qu’en pensez-vous ?

Les ARS ont été créées en 2010. J’étais à l’époque le rapporteur du texte au Sénat. Elles ont été pensées pour mener sur l’ensemble du territoire, région par région, une politique décidée au niveau national. Les ARS ne sont qu’une courroie de transmissi­on – l’une des plus efficaces – d’une machine étatique malheureus­ement trop complexe, trop jacobine. L’Etat dans son ensemble a été largement débordé par la crise : les masques, les tests, les lits qui manquaient en réanimatio­n, ce ne sont pas les ARS qui étaient les fautives.

On peut en revanche reprocher aux ARS d’avoir été hospitalo-centrées, oubliant dans un premier temps les médecins de ville, les cliniques privées et surtout les Ehpad ! Mais les ARS sont jeunes, elles n’ont pas l’habitude de travailler en concertati­on, elles n’ont pas non plus une culture du terrain. Elles ont un fonctionne­ment très administra­tif, mais comment leur en vouloir ? Elles reçoivent tellement de consignes du ministère à mettre en oeuvre que certaines ont dû embaucher des centaines d’agents ces dernières années.

Les critiques ne tiennent-elles pas aussi au fait que leur mission initiale était de « rationalis­er » l’offre de soins, donc de faire des économies ?

L’objectif était en effet aussi d’avoir une gestion plus rigoureuse. Les déficits de la Sécurité sociale étaient considérab­les à l’époque : 20 milliards d’euros en 2009 ! Les ARS ont donc été créées pour mieux gérer l’ensemble des dépenses. Mais cette volonté s’est progressiv­ement transformé­e en gestion ultrarigou­reuse. On a clairement demandé trop d’efforts aux hôpitaux et aux Ehpad. Et lorsqu’on joue le rôle du gendarme, on est rarement aimé… Que faudrait-il faire pour améliorer les choses à l’avenir ?

En résumé : plus de régionalis­ation, plus d’autonomie et plus de moyens ! On l’a vu avec cette crise, c’est à l’échelle régionale qu’il faut penser la santé, car les Régions connaissen­t leurs hôpitaux et la situation n’est pas la même en Ile-de-France et dans le Sud-Ouest. Les présidents de Région ont d’ailleurs un peu repris la main pendant la crise. Quant à l’autonomie, elle vaut pour l’Etat vis-à-vis des ARS et pour les ARS vis-à-vis des acteurs locaux.

Il faut, enfin, plus de moyens, tout le monde en est conscient. Il faudrait augmenter les budgets chaque année. Mais attention, dès qu’on va toucher aux salaires, on va rapidement dépenser des milliards de plus ! Il faudra les trouver ailleurs. Pendant la crise, il y a eu une adhésion, voire une admiration, de l’ensemble des Français pour le travail des soignants. Mais que se passera-t-il quand on leur présentera la note ?

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