L'Obs

La France de Fanfan

FANFAN LA TULIPE, par Christian-Jaque, film français de Cape et d’épée, aveC Gérard philipe, Gina lollobriGi­da, noël roquevert, olivier hussenot, marCel herrand (1h42, 1952). disponible en vod et en dvd (rené Château).

- FRANÇOIS FORESTIER

en ce temps-là, nous étions tous fanfan, toutes les filles étaient adeline, les grands-routes étaient remplies de brigands, les princesses couraient les bois, la joie régnait sur un pays charmant, où « les femmes étaient faciles et les hommes se livraient à leur plaisir favori : la guerre – le seul divertisse­ment des rois où les peuples aient leur part ». en sortant de l’école, la règle au poing, nous attaquions les uhlans prussiens sous l’oeil bon enfant du roi, et Gérard philipe (photo, avec Gina Lollobrigi­da) était notre héros. surtout quand il bondissait sur le faîte d’une maison, regardait en souriant le décolleté de Gina lollobrigi­da, et admirait « le joli débouché sur les gorges de la vallée ». nous aussi. les années ont passé, le noir et blanc est un souvenir, le film de Christian-Jaque demeure. il y passe un parfum d’aventure légère, une poésie à goût de chaume, une élégance amusée, et, avec sa broche en forme de tulipe, fanfan offre un paysage irréel de nuages d’amour et de printemps perpétuel. le film est-il un classique, un chef-d’oeuvre ? peu importe. C’est mieux : une merveille de cinoche. le producteur Georges dancigers était letton et aimait les duellistes et les voltigeurs (il produisit « les aventures de till l’espiègle », « Cartouche », « l’homme de rio »). le dialoguist­e, henri Jeanson, osait faire dire au capitaine de la houlette que « la crédulité est la force principale des armées » ( juste après la défaite du reich, fallait oser !). rené fallet, le coauteur du scénario, était un ex-artisan foudrier (l’orage était donc son métier). et Christian-Jaque, le réalisateu­r, était un condottier­e du cinéma, accumulant les titres magnifique­s, « les perles de la couronne », « les disparus de saint-agil », « boule de suif ». a chaque fois que je revois le film, j’applaudis aux colères de noël roquevert, je me lève à l’arrivée de la pompadour (Geneviève page), je me délecte de la voix posée (mais off ) de Jean debucourt, je n’en reviens pas de la beauté de Gina, si piquante, si appétissan­te, si impertinen­te… et, que le grand Cric me croque !, j’ai le geste du bretteur dès que paraît Gérard philipe. que serait « fanfan la tulipe » sans lui? la voie lactée sans bételgeuse. J’exagère, certes. mais si peu. fanfan réinvente une idée neuve en 1952, car elle n’avait pas beaucoup servi : le bonheur.

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