L’UNE CHANTE, L’AUTRE PAS PAR AGNÈS VARDA
Drame franco-belge. Avec Valérie Mairesse, Thérèse Liotard (2 h, 1977). Disponible en VOD et SVOD sur Amazon Prime, La Cinetek, etc.
Quelle mascarade! Pendant que France 2 et
France 3 célèbrent notre patrimoine cinématographique en rediffusant les de Funès, saupoudrés de quelques classiques des années 19301940 pour se donner bonne conscience, les géants américains des plateformes de streaming s’achètent une nouvelle image auprès des cinéphiles français en s’offrant les têtes de gondole de la Nouvelle Vague. Après Netflix, qui a enrichi son catalogue de douze films de François
Truffaut, Amazon Prime a glané à son tour six titres d’Agnès Varda. On y trouve bien sûr « Cléo de 5 à 7 », son « A bout de souffle » à elle, récit libre et inspiré de deux heures dans la vie d’une chanteuse (divine Corinne Marchand), traquée par le cancer. Ou « le Bonheur », drame de l’adultère qu’il faut voir en parallèle avec « la Peau douce » de Truffaut : au couple de bourgeois parisiens filmé dans un noir et blanc crépusculaire par ce dernier se substitue chez Varda une famille solaire de petits artisans de Fontenay-aux-Roses, dont le rapport privilégié à la nature est menacé par la construction d’une ville nouvelle et l’amour conjugal, par une jolie postière. Conscience féministe et caution documentaire de la bande, dont elle était la seule femme, Varda n’a peut-être jamais aussi bien marié le geste politique à celui de cinéma qu’avec « L’une chante, l’autre pas ». Sorti deux ans après la loi Veil, le film s’attaque de front à la question de l’avortement et la dépasse pour tisser une fresque sur l’amitié entre une chanteuse hippie (Valérie Mairesse, pétulante mais pas que) et une mère précoce (exquise et bouleversante Thérèse Liotard), de 1962 à 1977. Une ode à la sororité d’une ampleur quasi balzacienne sous des dehors de carte postale militante, mi-grave, mi-légère. Ou la fin des Trente Glorieuses vécue par deux des « 343 salopes ».