L'Obs

Que calor Laforêt

INTÉGRALE (18 CD), PAR MARIE LAFORÊT (PANTHÉON).

- SOPHIE DELASSEIN

Disparue le 2 novembre dernier, Marie Laforêt (1939-2019) n’aura pas vu naître l’intégrale de ses chansons – son ultime projet. Cette somme de 18 CD, préparée et conçue avec la participat­ion enthousias­te de la chanteuse-comédienne, se feuillette d’abord en incurable nostalgiqu­e, les yeux au bord du spleen, comme l’album d’une famille qui n’est pas la nôtre. Sur les clichés du livret, la beauté sidérante de sa jeunesse côtoie la densité de ses traits marqués par les ans, la maturité, les doutes, les épreuves. Ici, Marie Laforêt en mère de famille avec la petite Debora dans ses bras, et là, en grande complicité avec Guy Béart. Marie douceur, pieds nus sur le sable; Marie tendresse, sur la scène des BouffesPar­isiens, en 2005.

Le coffret exhume de nombreux inédits (dont « l’Oubli de toi », « Lirica n°1 », « Esclave et reine »), et l’enregistre­ment de ce concert donné il y a quinze ans. Dès l’entrée, au rythme dense de « l’Ami Pierrot », on comprend qu’elle a envisagé ce retour comme une fête. Des retrouvail­les au son du piano, de la guitare, d’une basse, d’une batterie et d’un bandonéon, avec un public qui se souvenait de « Viens, viens », « Il a neigé sur Yesterday », « Que calor la vida ». Un petit tour dans les années 1970, libres et heureuses. Marie Laforêt reprenait « la Tendresse » après Bourvil, et achevait ce tour de chant par « les Vendanges de l’amour ». Des chansons – des tubes, même – parmi lesquelles on découvre celles qui nous avaient malheureus­ement échappé, comme « Dites-lui », confidence piano/voix d’un amour perdu à la guerre et d’un autre retrouvé. Marie Laforêt a rédigé elle-même le long texte qui accompagne les titres de sa vie. Elle revient sur le viol commis sur la petite fille qu’elle était à 3 ans par un voisin d’immeuble; sur ses quatre maris qui furent pour elle « quatre enterremen­ts », les siens ; sur ses amitiés dans le métier, et les auteurs et compositeu­rs qu’elle a servis avec grâce. Ils s’appelaient André Popp, Francis Lai, Michel Jourdan, Jean-Claude Petit. Entre autres. Elle conclut: « Je vous confie ma vie de chanteuse. Prenez-en soin. Elle fut faite avec un coeur simple et honnête. »

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