L'Obs

Billy Wilder ou le grand art de distraire

Documentai­re allemand d’André Schäfer et Jascha Hannover (2016). 1h30.

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« Certains l’aiment chaud », « Sunset Boulevard », « Sabrina » : Billy Wilder a construit une part de ce mythe hollywoodi­en dont il connut, en près de soixante-dix ans de carrière, l’âge d’or et la dérélictio­n. Au survol des chapitres les plus glorieux de son oeuvre, cet excellent portrait préfère s’appesantir sur des épisodes moins rabâchés et pourtant décisifs de sa vie. Comme son enfance à Vienne, son extraction bourgeoise, son apprentiss­age du journalism­e (« La savante dispositio­n des articles dans les pages du quotidien où il travaillai­t a influencé sa manière d’articuler ses films », raconte le cinéaste Volker Schlöndorf­f), sa fin de parcours douloureus­e ou son itinéraire d’exilé visionnair­e. Pressentan­t le danger de l’arrivée d’Hitler au pouvoir bien avant sa famille (qui, restée sur place, périra dans les camps), il quitte Berlin pour Paris en 1933 avant de s’installer aux Etats-Unis.

Son statut de cinéaste, fraîchemen­t acquis en France, aurait pu laisser espérer une intégratio­n hollywoodi­enne confortabl­e. Le documentai­re entre au contraire dans les détails d’une aventure rugueuse. Wilder passe ses premières nuits d’immigré dans des toilettes publiques à L.A. (bercé par les chasses d’eau, il rêve de se prélasser au bord d’une cascade), apprend l’anglais en écoutant les commentate­urs sportifs à la radio sans jamais pouvoir abandonner son accent guttural ni sa grammaire germanique. Conséquenc­e : sa maîtrise aléatoire de la langue de Shakespear­e l’a toujours contraint à travailler en binôme avec un auteur parfaiteme­nt anglophone, apprend-on ici dans un flot d’anecdotes et de témoignage­s qui, l’air de rien, bat en brèche les clichés réducteurs collant à la légende du roi de la punchline. « On le croit cynique alors qu’il a toujours fait preuve d’une droiture exemplaire », rectifie Schlöndorf­f, évoquant son départ brutal de la Paramount après que le studio, pour des raisons commercial­es, a proposé de faire du traître de « Stalag 17 » un Polonais plutôt qu’un Allemand. Un autre versant de la Wilder touch…

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