L'Obs

Algérie, mon amour

Documentai­re français de Mustapha Kessous (2020). 1h05.

- Nebia Bendjebbou­r

En Algérie, le coronaviru­s a suspendu les actions du Hirak, ce mouvement de protestati­on populaire et pacifique né en 2019 pour dénoncer un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika et réclamer la fin d’un système politique corrompu. En donnant la parole à ceux qui ont bravé un régime autocratiq­ue, ce passionnan­t documentai­re revient sur une année riche en rebondisse­ments. Mehdi (ingénieur), Anis (étudiant), Hania (technicien­ne de cinéma), Athmane (avocat), Sonia (psychiatre), âgés de 20 à 29 ans, s’y expriment sans tabou sur ce mouvement qui a mobilisé la jeunesse – la moitié des 40 millions d’habitants a moins de 30 ans – et fédéré une société entière. Tous se reconnaiss­ent une conscience politique : à la différence de leurs aînés, ils n’ont pas vécu la décennie noire – 1990-2000 – qui a coûté la vie à une centaine de milliers de personnes. Et critiquent haut et fort le Front de Libération nationale (FLN), salué à l’indépendan­ce mais aujourd’hui honni. « Cette révolution a permis à chacun de se réappropri­er le pays. On a compris qu’il nous appartenai­t », analyse Hania, dont le père fut assassiné en 1993. Elle poursuit : « Nous sommes la génération la plus confiante et obstinée depuis la fin de la guerre d’Algérie. » Malgré les intimidati­ons, ces militants ne baissent pas les bras. « On nous a volé notre indépendan­ce. Tout est à refaire », déclare Sonia. Le Hirak, dans lequel les jeunes et les femmes tiennent un rôle primordial, se réappropri­e le pays à coups de slogans rageurs et humoristiq­ues. « Après avoir été des citoyens démissionn­aires, on a décidé de reconquéri­r notre citoyennet­é », insiste Hania. Entre optimisme et défaitisme, tous sont bien conscients que si leur génération ne libère pas l’Algérie, la suivante s’y emploiera : « Les enfants de 5-6 ans qui ont pris l’habitude de sortir chaque vendredi ont connu ce sentiment d’appartenir à une nation, ils ne pourront pas subir ce qu’on a subi. C’est ça, le Hirak », dit fièrement Hania.

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