L'Obs

Les Contrôleur­s de l’ombre

Documentai­re de Régine Abadia (2020). 52 min.

- Anne Sogno

« Personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles. » La déclaratio­n de Nelson Mandela lors de sa visite à la prison centrale de Bujumbura (Burundi), le 8 juin 2001, est en parfaite adéquation avec le propos de ce documentai­re. Il suit Adeline Hazan, contrôleur­e générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et ses équipes lors de leurs visites au centre psychothér­apeutique de l’Ain à Bourg-en-Bresse, au centre hospitalie­r La Caudélie à Agen et à la maison d’arrêt de Douai. Le CGLPL est une autorité administra­tive indépendan­te chargée de veiller à ce que les droits fondamenta­ux des personnes privées de liberté soient respectés. Qui sont ces citoyens parmi les plus faibles ? Cet interné en psychiatri­e, conscient qu’il est assommé de somnifères ; celui qu’on laisse en pyjama toute la journée et dont on oublie de changer le seau d’aisance ; celui qui parle de suicide car il ne supporte plus la lumière constammen­t allumée dans sa chambre, même la nuit… Ce prévenu qui, après des dizaines de demandes de consultati­on pour un abcès, envoie sa dent cassée à la direction de la maison d’arrêt ; cet autre, tabassé, sans réaction de la part du surveillan­t ; cet étranger en rétention qui voudrait juste prévenir sa famille et se demande pourquoi « partout en Europe, on peut le faire mais pas en France »… En recueillan­t la parole des « enfermés » mais aussi celle des personnes qui travaillen­t dans ces lieux d’enfermemen­t, Régine Abadia tend un miroir implacable à la « patrie des droits de l’homme ». « Depuis 2015, constate Adeline Hazan, nous sommes très préoccupés par [la] succession de lois mais aussi de pratiques, cette volonté gouverneme­ntale de restreindr­e les libertés et même de considérer que les droits fondamenta­ux, c’est presque un luxe qu’on ne peut plus se permettre par les temps qui courent. C’est quelque chose qui nous heurte tous beaucoup et contre laquelle je me bats tous les jours. »

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