L'Obs

Les Vacances de Monsieur Hulot

Comédie française de Jacques Tati (1953). Avec Jacques Tati. 1h24.

- Sophie Grassin

Silhouette dégingandé­e de flâneur contemplat­if, pantalon trop court, démarche élastique, Monsieur Hulot apparaît comme le double comique de Jacques Tati, mime transfuge du music-hall et observateu­r malicieux des années 1950-60. Dans cette satire légère des moeurs de la bourgeoisi­e, Hulot part passer ses vacances à SaintMarc-sur-Mer, une petite station balnéaire non loin de Pornichet, où il débarque dans une vieille guimbarde pétaradant­e, pour arpenter la plage et, toujours à contretemp­s des autres, dérégler la bienséance sociale par ses innombrabl­es bourdes. Arc-boutée sur un sujet de société – les congés payés –, dépourvue d’intrigue, ponctuée de petites phrases qui n’appellent jamais de réponses, cette chronique poétique (dont l’acmé reste une désopilant­e partie de tennis où les petits-bourgeois s’avèrent mauvais perdants) invite à glaner un détail visuel qui n’est pas nécessaire­ment au centre de l’image. A guetter la source des sons (haut-parleurs d’une gare, radio, bruits du ressac, moteur asthmatiqu­e du tacot de Monsieur Hulot, claque sur la joue d’un gamin, notes d’une « Marseillai­se » qui incite chacun à se lever… pour aller se coucher). Oui, ici, c’est le son qui désigne dans les plans, toujours larges, ce qu’il faut voir. « Pour comprendre Tati, il faut une agilité de l’oeil et un sens de l’humour auditif », résumait Jean-Louis Bory, critique historique du « Nouvel Observateu­r ». Et puis il y a la galerie de personnage­s : jeune femme snob, homme d’affaires sans cesse appelé au téléphone… Distribué à Londres, puis aux Etats-Unis (à la demande de son auteur, « Monsieur Hulot’s Holiday » y sera projeté sans sous-titres), le film, prix Louis-Delluc, fait de Tati une star. Hollywood, où le réalisateu­r supplante Pagnol dans le coeur des Américains, lui proposera même de tourner un « Hulot à New York ». Un projet resté lettre morte. Distrait, maladroit, bienveilla­nt, solitaire, pipe éternellem­ent vissée au côté droit de la bouche, ce cher Hulot déambulera néanmoins dans trois autres films (« Mon oncle », « Playtime » et « Trafic »).

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