“Il faut respecter l’initiative des entreprises”
Philippe Darmayan est le président de l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) et le président d’ArcelorMittal France.
20 milliards d’euros ont été accordés à de grandes entreprises, sans contreparties environnementales. Aurait-il fallu imposer des conditions?
Dès lors que la puissance publique finance des actions, il ne me paraît pas choquant qu’elle ait un certain droit de regard – même si elle doit respecter le degré d’initiative des entreprises. Cela dit, l’industrie n’est pas en dehors du débat sur l’écologie, elle est dans l’action. Pour nous, l’économie verte et la transition écologique doivent être au coeur du plan de relance, un levier pour réussir. A l’UIMM – qui compte 90 % de PME parmi ses adhérents –, nous travaillions déjà, avant la crise, à définir avec le gouvernement les enjeux futurs des filières industrielles. Cela aboutira à l’automne à l’annonce d’un « pacte productif », pour lequel les grandes entreprises, comme Air Liquide ou ArcelorMittal, ont déjà pris des engagements. Les questions majeures seront celles de la souveraineté, de la neutralité carbone et de l’économie verte.
Le Medef et l’Afep ont demandé le report de certaines mesures environnementales. N’est-ce pas contradictoire avec ces engagements?
A ma connaissance, les demandes du Medef étaient de très court terme, pour redéfinir l’agenda des concertations [préparant les décrets d’application des lois environnementales, NDLR] que la crise a remis en cause : dès lors qu’il doit y avoir des discussions et que les délais sont passés, il est normal que le calendrier soit revu. Depuis,
Geoffroy Roux de Bézieux [président du Medef ] a, comme moi, demandé dans une tribune au « Monde », début mai, que la relance inclue la recherche de la neutralité carbone; il a plaidé comme moi pour un certain protectionnisme écologique européen. On peut toujours faire des polémiques, mais la réalité est que nous appelons à construire en France et en Europe la neutralité carbone pour 2050.
Quelles seraient les mesures écologiques les plus urgentes selon vous?
Le plus urgent est de commencer à déterminer les financements et les innovations à développer pour cet objectif de 2050. On sera neutre en carbone si on modifie les usages dans quelques grands domaines : la mobilité, le logement, l’alimentation… On avancera par des consensus – le contraire du nom de votre rubrique. La seule fois où on l’a réussi en matière écologique, c’est lors du Grenelle Environnement, qui a réuni des écologistes, des industriels, des financiers… Il faudrait faire de même : une gouvernance de projet, où toutes les parties seraient consultées et écoutées.
Les solutions sont complexes, c’est pourquoi il est nécessaire que chacun puisse s’exprimer afin d’apporter des réponses cohérentes et concertées. Nous serons donc attentifs à ce que les propositions du panel de 150 Français de la Convention citoyenne pour le Climat constituent le début du processus de consensus que j’appelle de mes voeux.