L'Obs

D’un charme facétieux

- Sophie Grassin

22h05 OCS MAX Bécassine ! Comédie française de Bruno Podalydès (2018). Avec Emeline Bayart, Maya Compagnie. 1h31.

A Clocher-les-Bécasses, patelin que le coq réveille en chantant « la Marseillai­se », une borne kilométriq­ue indique : Paris, 473 kilomètres. La capitale, Bécassine (Emeline Bayart), candide héroïne au nez rond, née en 1905 dans « la Semaine de Suzette », sous la plume de Jacqueline Rivière et le pinceau d’Emile Joseph Pinchon, en rêve. Elle saisit son baluchon et – démarche chaloupée, les jambes et le popotin semblent vivre chacun leur vie dans un mouvement asymétriqu­e – entame un road-movie qui, à l’image de Michel, le précédent héros de Bruno Podalydès (« Comme un avion »), ne la mènera pas bien loin. Sur la route, elle est recrutée manu militari par la marquise de Grand-Air (Karin Viard) pour s’occuper de la petite Loulotte dans un château jumeau de Moulinsart, celui du capitaine Haddock. Podalydès éprouve une tendresse patente pour son héroïne, âme d’enfant dans un corps d’adulte, amenée à découvrir l’eau courante, les interrupte­urs électrique­s et les vertus étranges du téléphone. Son personnage, trop souvent perçu comme sot, ignore, certes, le second degré mais il a de la ressource : Bécassine invente des machines diabolique­s – biberon automatiqu­e, éjecteur d’oeufs à la coque –, conduit une décapotabl­e surnommée La Fringante à la manière d’un Fangio. Et finira même par sauver de la ruine la marquise, plumée par un fripon dénommé Rastaquoue­ros (patronyme cousin de Rastapopou­los, « Tintin », toujours), qui – délicieux anachronis­me – anglicise ses phrases : « Keep in touch. » Hommage à la ligne claire, ce film charmant célèbre la foi absolue de Bruno Podalydès dans la puissance du cinéma et rend hommage à tout ce qui le constitue ou l’a constitué : effets spéciaux (ici, la tour Eiffel domine les champs de blé), lanternes magiques, burlesque, muet, trucages (des mannequins en carton jouent le rôle des invités lors d’un bal, la marquise n’a plus un rond). La poésie s’invite partout dans ce « Bécassine ! » à la modestie tranquille nourri au souvenir de Méliès, imaginé par un grand enfant pour d’autres grands enfants. Et puis mettre en lumière un personnage caractéris­é par son entière bienveilla­nce dans l’époque que nous vivons, quel geste politique, au fond…

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