Nicole Notat
L’ex-patronne de la CFDT est investie d’une mission délicate : réussir le Ségur de la santé, qui doit concrétiser les engagements d’Emmanuel Macron envers les personnels soignants
1 SÉGUR
La république aussi a ses grand-messes.
C’est ainsi que depuis Mai-68 et les accords de Grenelle, tout problème d’ampleur se résout par une réunion des acteurs sociaux. Mais après le Grenelle de l’environnement, le Grenelle de l’insertion, le Grenelle de la mer, etc., l’expression est galvaudée. Alors, puisque le ministère des Solidarités et de la Santé n’est pas rue de Grenelle mais avenue de Ségur, va pour un « Ségur de la santé ». Nicole Notat en prend les rênes. Le début d’une nouvelle lignée ?
2 CFDT
La personne de Nicole Notat est à jamais associée à la CFDT, qu’elle a dirigée durant dix ans. C’était au siècle dernier. Première femme à la tête d’une confédération syndicale, elle imprime une ligne résolument réformiste. En 1995, elle soutient le « plan Juppé » qui suscite pourtant des grèves monstres. Cela lui vaut d’être mise en minorité lors d’un congrès de son syndicat, une première. Une partie de ses troupes claque la porte.
3 “DAME DE FAIRE”
De ses années de syndicalisme lui restent plusieurs surnoms :
« la tsarine », pour ses détracteurs ; la « dame de faire », pour ses amis, qui louent son pragmatisme.
« Il ne faut pas la sous-estimer. Elle fait preuve d’un grand sens de la diplomatie, elle perçoit très bien les jeux d’influence. Elle a été confrontée au machisme mais elle ne se laisse pas impressionner », salue son ancien numéro deux, Jacky Bontems, désormais animateur d’un courant de « macronistes de gauche ».
4 MACRON
Elle est elle-même macroniste et l’assume. Elle a appelé à voter Macron avant le premier tour de la présidentielle. Depuis, elle soutient le président avec constance. « Elle n’a pas le cul entre deux chaises, constate un syndicaliste proche. Dans ce
Ségur de la santé, son mandat, elle le tire du président de la République, pas de la CFDT. »
5 ÉLYSÉE
A l’Elysée, elle peut compter sur un appui fidèle, Philippe Grangeon, le conseiller spécial du président. Aujourd’hui membre de la direction de LREM, Grangeon a été son communicant à la CFDT. Il l’a aidée à affronter la crise interne en 1995. C’est un compagnon d’armes.
6 INSTITUTRICE
Elle préfère rester secrète sur sa vie privée. Née en 1947 dans une famille d’agriculteurs, Nicole Notat est jeune institutrice dans la Meuse lorsqu’elle adhère au Sgen-CFDT. A 35 ans, elle exerce déjà des responsabilités nationales. A 45, elle est numéro un. A 55 ans, elle passe le témoin à François Chérèque et se met au service des gouvernements successifs. Si elle a toujours refusé d’être ministre, elle a remis plusieurs rapports, dont le dernier en date, avec Jean-Dominique Senard (patron de Michelin, puis de Renault), sur le rôle de l’entreprise dans la société.
7 GOTHA
En 2002, Nicole Notat crée Vigeo, une société d’évaluation des performances sociales et environnementales des entreprises (RSE). Elle a été la première femme à présider Le Siècle, un club d’influence qui réunit le gotha politique, économique et médiatique, et a aussi siégé au conseil d’administration du groupe Le Monde. En mars 2018, la ministre du Travail Muriel Pénicaud lui demande de représenter le gouvernement auprès de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Mais Notat doit renoncer en raison de risques de conflit d’intérêts.
8 ENNEMIS
Sa nomination à la tête du Ségur de la santé est tout sauf consensuelle. « Placer Nicole Notat en face de nous, c’est une manière de nous provoquer », regrette le représentant de FO, Didier Birig. « Le monde d’après ? On prend les mêmes et on recommence », raille le syndicat Sud, pour qui Nicole Notat est « un soutien aux libéraux, à la macronie et aux intérêts financiers des grands patrons ».
9 35 HEURES
Parmi les quatre grands chantiers du Ségur de la santé, Nicole Notat prend elle-même en main celui sur les « carrières et rémunérations ». Mais alors que le gouvernement fustige le « carcan » de la durée du travail à l’hôpital, elle a rappelé, lors de la séance inaugurale, le 25 mai, que son organisation syndicale avait soutenu la réduction du temps de travail… et qu’il ne fallait pas compter sur elle pour remettre en cause les 35 heures !
10 PRESSION
Nicole Notat entame sa mission sous une triple pression. Financière, bien sûr, car la transformation de l’hôpital et des Ehpad s’inscrit dans une équation budgétaire contrainte. Sociale, puisque la reprise des manifestations des personnels soignants témoigne d’une défiance intacte. Sans oublier celle de l’opinion, les Français continuant d’applaudir tous les jours à 20 heures les héros de la lutte contre le Covid-19.