“A l’échéance, l’Etat ne remboursera pas la dette”
Pourquoi dites-vous que la dette du coronavirus n’est pas un problème?
Parce qu’elle peut être irréversiblement achetée par une Banque centrale. C’est le cas de la dette qui est émise pour financer le chômage partiel : elle est achetée par la Banque de France pour le compte de la Banque centrale européenne (BCE). A l’échéance, l’Etat ne la remboursera pas. Il émettra une nouvelle dette pour la refinancer, que la Banque de France achètera aussi.
Oui, mais le taux d’intérêt sera peutêtre plus élevé?
Cela n’a pas d’importance car si l’Etat paie plus d’intérêts à la Banque de France, celle-ci lui verse ensuite un dividende plus élevé. La seule dette qui compte, c’est celle qui est détenue par les investisseurs privés. Aujourd’hui, la Banque centrale européenne, via les Banques centrales nationales, détient 25 % des dettes publiques.
Il faut bien comprendre qu’en achetant la dette des Etats c’est comme si la Banque centrale faisait déjà ce que l’on appelle de la « monnaie hélicoptère » [distribution d’argent créé ex nihilo, NDLR]. L’Etat émet une dette pour payer du chômage partiel que la Banque centrale rachète inconditionnellement. C’est comme si la Banque centrale payait les salariés.
Pourquoi ne pas annuler les dettes? Ce serait plus clair…
Les dettes détenues par les banques centrales le sont de facto. Il ne faut donc surtout pas le demander explicitement. Car parler d’annulation ou de restructuration créerait une panique sur les marchés. Cela aurait comme conséquence de rompre la confiance des investisseurs dans la dette française. Inutile de prendre ce risque.
Il suffit que Christine Lagarde, la présidente de la BCE, dise : « Je vous garantis que nous ne réduirons pas la taille de notre bilan », ce qui signifierait qu’elle ne remettra jamais cette dette sur le marché, et tous les économistes comprendront que la dette est de fait annulée. A ce moment-là, on saura que c’est vraiment de la monnaie hélicoptère.
Donc on peut émettre autant de dette qu’on veut?
Oui, mais le débat doit porter sur le coût du financement des politiques publiques par la création monétaire. Qu’est-ce que cela engendre ? Cela peut entraîner une perte de valeur de la monnaie. Avant, on le voyait, car le prix du pain augmentait, il y avait de l’inflation. Aujourd’hui, il faut plus de monnaie pour acheter un logement ou des actifs financiers. C’est là qu’est l’inflation. On fabrique des bulles immobilières, c’est une taxe pour les jeunes.
Les Allemands, eux, ajoutent que si l’on ne fixe pas de limite aux Etats, ils feront du « mauvais » déficit. Il faudrait donc se donner une nouvelle règle : par exemple, financer par la création de monnaie les déficits liés à l’évolution conjoncturelle (en l’occurrence, l’arrêt de l’économie lié au Covid), mais pas le déficit structurel (comme les salaires des agents de l’Etat).