I MAY DESTROY YOU
SÉRIE ANGLAISE DE MICHAELA COEL (2020). Avec Michaela Coel, Weruche Opia, Paapa Essiedu. Douze épisodes de 30 minutes.
ùù Elle a explosé avec « Chewinggum », évocation trépidante du quotidien d’une adolescente dans une cité HLM de Londres, entre inextinguible désir charnel, fièvre mystique et amitiés fertiles. Le tout lesté d’un discours sans concession sur la condition féminine et le patriarcat accablant. Michaela Coel (photo), 32 ans, s’est aussitôt affirmée comme l’une des fers de lance de cette nouvelle génération de créatrices qui s’emparent des séries pour faire entendre des voix trop longtemps étouffées et expérimenter de nouvelles formes. Après avoir osé la comédie survoltée, la scénaristeréalisatrice-actrice change radicalement de registre avec « I May Destroy You ». Douze épisodes qui convoquent le viol dont elle a été victime il y a quelques années. A nouveau, elle tient le premier rôle, celui d’Arabella, jeune écrivaine à succès, violée après avoir été droguée au GHB dans un bar. Avec l’exigence qui est la sienne et une aversion confirmée pour le pathos, Michaela Coel scrute la violence de la domination, la mise en pièces de la structure psychique, tout comme l’énergie d’une victime déterminée à ne pas mourir deux fois. Même l’humour trouve sa place dans ce scénario aux ruptures de ton abruptes comme l’existence. Rivée à la réalité de la vie après le viol, sans jamais réduire son héroïne à ce qu’elle a subi, la plume radicale de Coel ne laisse pas indemne mais fait aussi partager, de façon quasi organique, l’expérience salvatrice de métabolisation du processus artistique. Bouleversante mise en abyme dans laquelle Michaela met en scène Arabella qui met en mots le traumatisme, renversant l’entreprise de destruction en acte de création, dans un ultime salto.