Success story
Dans son campus et son musée qui viennent de rouvrir, le fabricant suisse de mobilier montre avec soin les plus grandes icônes du design
Au nom de Vitra
C ’ est un lieu hors du commun. Dans cette zone industrielle de Weil-amRhein, en Allemagne, à deux pas de la frontière suisse, on célèbre le design et l’architecture de manière synchronisée. Le lieu est quasi inconnu du grand public, mais lorsque les plus grandes institutions culturelles du monde, du Centre Pompidou au Moma, ont besoin d’un meuble original signé Eames, Jean Prouvé ou Alvar Aalto, c’est à Vitra qu’ils s’adressent. Vitra ? Un nom qui fait référence chez les amateurs de design: le « Fauteuil de salon » de Jean Prouvé (1939) ou la « Ball Clock » de George Nelson, imaginée en 1948, c’est eux, tout comme la fameuse « chaise Panton » en plastique moulé de Verner Panton.
Tout a débuté en 1953 quand un certain Willi Fehlbaum, le fondateur de Vitra, découvre les sièges conçus par Charles et Ray Eames lors d’un voyage aux EtatsUnis. Il décide alors de les fabriquer. On connaît la suite. La « Fiberglass Chair » ou le fauteuil « Lounge Chair » sont devenus les intemporels des intérieurs stylés. Vitra qui fabrique, produit et commercialise se fait un nom. Mais pas seulement dans le mobilier. Aussi en architecture. Suite à l’incendie de l’usine mère en 1981, le patron, Rolf Fehlbaum fait construire un nouveau bâtiment signé Nicholas Grimshaw. Puis, en 1989, il demande à Frank Gehry de bâtir un musée du design, qui est d’ailleurs le premier projet européen de l’architecte américain. Le site de Weil-am-Rhein va ainsi devenir au fil des ans un « campus » accueillant les plus grands architectes de la planète. Tadao Ando y a imaginé le Pavillon de conférences ; Zaha Hadid, une caserne de pompiers ; Renzo Piano, une micromaison ; le bureau japonais Sanaa, le hall de production ; Herzog & de Meuron, l’extension du musée du design Schaudepot, en 2016; et, dernièrement, Thomas Schütte a laissé son empreinte avec son Blockhaus en bois et zinc-titane. Autant d’écrins que le visiteur découvre tout au long du parcours, entre production de mobilier maison, expositions temporaires et une fascinante collection permanente de près de 30 000 meubles et objets – de Ron Arad à Marcel Breuer, des frères Campana à Jacobsen ou plus récemment Antonio Citterio et Hella Jongerius.
Alors que le Campus Vitra accueille aux beaux jours des centaines de visiteurs, actualité oblige avec la pandémie Covid-19, le lieu a fermé deux mois. Bonne nouvelle, il vient de rouvrir ses portes. Et l’expo présentée actuellement, « Home Stories: 100 ans, 20 intérieurs visionnaires », résonne avec force après cette période de confinement où notre intérieur nous a appris comment (sur)vivre en huis clos. Sur un siècle, cette rétrospective retrace la fascinante histoire des espaces domestiques, leur fonction décorative, leur évolution design, leur aspect tantôt minimaliste, high tech, ornemental, arty, radical ou standardisé à travers vingt exemples iconiques signés Verner Panton, Adolf Loos, Finn Juhl (le pionnier du design scandinave) ou Assemble, jeune collectif d’architectes britanniques. Autre mise en perspective intéressante, celle consacrée à Gae Aulenti, architecte et designer de la célèbre lampe « Pipistrello » (1965) – celle en forme de chauve-souris que vous avez forcément vue un jour quelque part. Les deux expos sont à l’honneur jusqu’à fin août et mi-octobre.