L'Obs

“Dans le textile, on pourrait créer 60 000 emplois”

- Propos recueillis par R. F.

Amandine Hesse est la cofondatri­ce et la présidente de la Fédération indépendan­te du Made in France (Fimif).

Tous ces discours en faveur du « made in France »… C’est presque une consécrati­on pour vous?

En un sens, oui. Avec la crise, on assiste à un mouvement en faveur du « local ». Le sentiment de pénurie, notamment à cause des masques, a fait comprendre aux Français que consommer des produits fabriqués à l’autre bout du monde comporte des risques. Produire en France est plus sûr et plus rapide. Et cela contribue à financer notre modèle social, qui en a bien besoin! Pensez-vous que les Français soient prêts à payer plus cher des produits made in France, malgré la crise qui se profile?

Le « made in France » n’est pas toujours plus cher. Prenons l’exemple des jeans : ceux fabriqués en France sont, à qualité équivalent­e, vendus moins cher que des Levi’s! Même chose dans l’alimentair­e : nous avons les savoir-faire et produisons 95 % de ce que nous consommons. Nos normes écologique­s et sociales sont plus protectric­es, et nos produits, de meilleure qualité.

Cela implique de revoir notre mode de consommati­on. Arrêtons d’acheter trois jeans à 50 euros tous les ans, fabriqués au Bangladesh dans des conditions catastroph­iques, et achetons des jeans français, plus chers mais plus résistants! Mangeons des produits de saison, cessons d’importer des tomates ou des fraises en hiver! Consommons moins mais mieux, en pensant aux conséquenc­es de nos achats.

Consommer 100 % français est impossible : produire un smartphone coûterait plus de 5 000 euros ! Mais dans le textile par exemple, si on achetait français une fois sur trois, on pourrait créer 60 000 emplois. En développan­t des alternativ­es dans différents secteurs, on pourrait relancer des pans entiers de notre industrie. Qu’attendez-vous de l’exécutif?

Son discours va dans le bon sens. Mais, pour être vraiment incitatif, il faudrait rendre obligatoir­e le marquage d’origine et lutter contre le « franco-lavage » – ces entreprise­s françaises qui surfent sur le « made in France »… mais fabriquent leurs produits à l’étranger. On pourrait aussi mettre en place une taxe sur les importatio­ns, notamment en provenance des pays qui n’ont pas les mêmes normes sanitaires, écologique­s et sociales que nous. On peut imaginer une sorte de TVA sociale, pour financer notre modèle social, voire une TVA humanitair­e, pour aider ces pays à développer des normes plus protectric­es. On risquerait d’être accusé de protection­nisme par nos partenaire­s européens… Le « made in Europe » n’est-il pas une solution?

Non. Dans les mois à venir, tous nos partenaire­s vont soutenir leurs entreprise­s, personne ne viendra crier à la concurrenc­e déloyale ! Et le « made in Europe » n’a aucun sens sans une véritable Europe sociale.

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