LES 4 POINTS CLÉS DE L’AFFAIRE TRAORÉ
Emmanuel Macron a demandé à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, de se pencher sur ce dossier devenu emblématique
Depuis quatre ans, l’enquête sur la mort d’Adama Traoré dans la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise) piétine. Le parquet de Paris explique que la décision d’auditionner deux témoins clés a été annoncée dès le 10 avril 2019, mais ces derniers n’ont toujours pas été entendus. De nombreuses questions sont en suspens, auxquelles la justice devra se donner les moyens de répondre.
1. L’INTERPELLATION
Ce 19 juillet 2016, Adama Traoré fêtait son 24e anniversaire. Il avait prévu d’aller récupérer dans la journée la nouvelle carte d’identité qu’il avait demandée à la mairie de Beaumont-sur-Oise. Il discutait avec son frère Bagui dans la rue quand les gendarmes du peloton de surveillance et d’intervention de L’Isle-Adam se sont dirigés vers eux. Il est près de 17 heures. Adama Traoré jette son vélo au sol et prend la fuite. Il est rattrapé dans un parc par un gendarme. L’intervention d’un individu lui aurait permis de s’échapper à nouveau. Il court se réfugier à quelques centaines de mètres, dans l’appartement d’un homme. Il s’agit du témoin qui sera à nouveau entendu d’ici à quelques jours par les juges qui s’occupent du dossier, et dont l’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, demande l’audition depuis deux ans.
2. LE TRANSPORT À LA GENDARMERIE
Les gendarmes constatent dans la voiture que le jeune homme, menotté dans le dos, semble « s’assoupir », qu’il « est en train de s’a aisser dans le véhicule ». Dans la cour de la gendarmerie, les agents s’y prennent à deux pour le sortir de la voiture. « Il a une perte de tonus musculaire, il ne tient pas debout », confie le chef de patrouille à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Les gendarmes notent qu’il s’est uriné dessus pendant le transport. Ils a rment le mettre en position latérale de sécurité, sur le sol de la gendarmerie. Sa respiration est alors « bruyante et rauque », et il a fait « un malaise ». Le décès est prononcé à 19h05 par les secours. A 21 heures, la mère d’Adama appelle la caserne pour prendre de ses nouvelles. On lui répond que tout va bien. Son fils est mort depuis deux heures.
3. LE PLAQUAGE VENTRAL ?
Leur version a changé tout récemment. L’avocat des gendarmes, Me Rodolphe Bosselut, a rme désormais qu’il n’y aurait pas eu de plaquage ventral sur Adama Traoré. Pourtant, cette manoeuvre – qui consiste à tenir un individu ventre contre le sol avec des moyens de contention –, les gendarmes interrogés sur la mort d’Adama Traoré en 2016 et en 2018 la décrivaient dans le détail, comme l’attestent les procèsverbaux. L’un des trois agents avait raconté notamment le moment de l’interpellation dans l’appartement : alors qu’Adama Traoré est au sol, « à plat ventre, les bras cachés sous le corps », « nous nous jetons sur lui avec mes deux collègues », l’un d’eux « e ectue une clé de jambe », et le jeune homme prend « le poids de notre corps à tous les trois pendant l’interpellation ». Un de ses collègues confirme : « On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser. » Les gendarmes indiquent avoir procédé à « une clé de bras », et à un « contrôle dorsal costal », avec un genou au centre du dos de l’individu, l’autre sur sa partie costale dorsale. Ce qui constitue une compression thoracique, dont Me Bosselut conteste aujourd’hui l’existence. Une reconstitution s’impose.
4. LA VERSION DES SECOURS
Adama Traoré, à qui on a mis des menottes dans l’appartement, est toujours entravé dans le dos quand il est tiré hors du véhicule, dans la cour de la gendarmerie de Persan, « clairement inconscient », comme l’a rme en 2016 le chef de patrouille. Les secours arrivent vers 17h40. Selon un pompier entendu par les enquêteurs, « la victime se trouve sur le ventre, face contre terre ». Ce pompier demande à un gendarme de « faire retirer les menottes de la victime, qui sont toujours placées sur les poignets, mains dans le dos ». Il explique dans sa déposition que l’agent refuse, indiquant que « cet individu est violent et simule ». Le pompier précise alors que « la victime n’a plus de ventilation ». Il insiste : « Je redemande au gendarme de retirer les menottes afin de commencer un massage cardiaque. Il s’exécute malgré sa réticence apparente. » L’a aire ne dure pas quelques secondes, mais « huit minutes, selon les éléments du dossier », indique Me Bouzrou. ■