Les Espions du Général
Docu-fiction de Richard Puech (2020). 1h07.
Hanté par le fantôme du film de Melville, « l’Armée des ombres », ce docu-fiction retrace un épisode crucial de la Seconde Guerre mondiale. En 1943, le colonel Passy, patron des services secrets de De Gaulle, et Pierre Brossolette, son numéro deux, débarquent à Paris pour fédérer la Résistance et asseoir la légitimité politique du Général contestée par Roosevelt et Churchill. Les personnages sont incarnés, lors de courtes saynètes, par des acteurs (dont l’éditorialiste Christophe Barbier en Brossolette [photo, à droite] – il a troqué l’écharpe pour la moustache), parti pris assez baroque qui, à lui seul, vaut le coup d’oeil. Pilule de cyanure, coaching – les deux hommes doivent éviter de se trahir en commandant, par exemple, un cafécrème, la crème ayant disparu depuis longtemps –, ce documentaire, un vrai polar, montre d’abord la vie quotidienne sous la clandestinité. Mais il excelle surtout à décrire le chantier auquel Passy et
Brossolette s’attellent. Si, en zone libre, les réseaux de résistance, unifiés par un Jean Moulin très remonté contre eux, ont déjà fait allégeance à de Gaulle, en zone occupée, composés de « durs de durs », ils agissent en ordre dispersé et restent coupés de Londres. Et puis il faut négocier avec le PC qui, au-delà de la victoire, veut le pouvoir. Le communiste André Mercier accepte de reconnaître l’autorité du Général mais « après la guerre, prévient-il, ce sera une autre chanson ». Le colonel Touny, de l’OCM, l’Organisation civile et militaire, se verrait bien prendre le commandement de l’armée secrète. Pierre Villon, des FTP (Francstireurs et Partisans), se fait désirer de longues semaines. Déportation, torture... Beaucoup d’entre eux paieront cher leur engagement. Le 1er avril 1943, Jean Moulin préside enfin la réunion des chefs de la zone nord et jette les bases du CNR (Conseil national de la Résistance) en y incluant – sous la pression du Général – ces politiques perçus par les résistants comme des traîtres. Conforté par le succès d’une mission qui lui rend le leadership, de Gaulle vient d’imposer la France à la table des vainqueurs.