L'Obs

L’écologie de l’offre

- S. C.

Par SYLVAIN COURAGE

La fin du mois vient toujours avant la fin du monde. L’ignorer serait irréaliste venant d’un dirigeant politique et suicidaire de la part d’un président démocratiq­uement élu. En ce début d’été, la conscience et l’espoir ont provoqué une réjouissan­te floraison : des écologiste­s convaincus de la nécessité de changer de mode de vie pour sauver la planète ont été désignés par le suffrage universel à la tête d’une dizaine de métropoles françaises. Une première historique considérée à juste titre comme un progrès de civilisati­on. Mais que peut faire de cet engouement un président de la République qui voit, dans le même temps, le pays tout entier s’enfoncer dans une noire récession, charriant le chômage de masse et la précarité comme la nuée porte l’orage ?

La pandémie de Covid-19 contraint déjà nos dirigeants à assumer une écrasante responsabi­lité : combattre un fléau mortel, protéger leurs administré­s et épargner des vies « quoi qu’il en coûte ». Ils n’y sont parvenus que de manière imparfaite – c’est la dimension sisyphienn­e de leurs fonctions. Néanmoins, nul ne peut douter de leur volonté d’y parvenir. Tandis que le virus sévit encore, ils doivent rendre des comptes devant une commission d’enquête parlementa­ire, des juges d’instructio­n et bientôt les électeurs.

Nos dirigeants doivent nous soigner comme ils se soigneraie­nt eux-mêmes ! A cet impératif catégoriqu­e s’ajoute désormais un deuxième : on attend d’eux qu’ils soulagent autant que possible les souffrance­s sociales provoquées par la crise sanitaire, en relançant la machine économique et en sauvegarda­nt les emplois. Ils s’y attellent déjà. A grand renfort de prêts garantis et de prise en charge du chômage partiel, l’Etat s’implique comme jamais dans l’économie.

Mais que faire alors du combat contre le réchauffem­ent climatique ? Aux yeux des écologiste­s, ce péril doit être conjuré en priorité. Il détermine et recouvre tous les autres. « Comment pourrons-nous conserver la santé et prospérer si notre planète devient invivable ? », arguent-ils. Et d’incriminer, avec raison, le développem­ent économique à l’origine de l’épuisement des ressources naturelles. « Décroisson­s ! », poursuiven­t même certains d’entre eux.

Impossible de nier la contradict­ion qu’il y a à doper l’économie en y injectant des centaines de milliards d’euros tout en prétendant sauver la planète… Mais combien de nos concitoyen­s sont prêts à sacrifier leur pouvoir d’achat au nom de la lutte contre le réchauffem­ent climatique ? Et qui délaissera son intérêt particulie­r pour suivre l’intérêt général ? « Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie pas autre chose sinon qu’on le forcera à être libre », a tranché Jean-Jacques Rousseau, au risque d’être regardé comme l’inspirateu­r des totalitari­smes du xxe siècle.

Dans une démocratie, entretenir l’économie et protéger l’environnem­ent ne peut reposer que sur un compromis. Comme la social-démocratie sut naguère réconcilie­r les intérêts du capital et les revendicat­ions du travail, il nous faut désormais faire coïncider l’efficacité du marché et le respect de la planète. C’est la seule voie pour accélérer, en même temps, la transition écologique et la création d’emplois. Hors de l’écologie de l’offre, point de salut. Sauf à basculer dans l’écologisme radical qui ne manifeste que le vieux fantasme de la table rase et de l’homme nouveau. Une idéologie minoritair­e. Rappelons toutefois à ses thuriférai­res oublieux de l’Histoire que la fin du mois vient toujours avant la révolution.

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