Frayeurs médiévales
SUR LES TRACES DE NOS PEURS, PAR GEORGES DUBY, TEXTUEL, 96 P., 14,90 EUROS.
La sagesse est une vertu historienne. Georges Duby le démontre encore une fois dans la réédition de ce livre-entretien paru en 1995, un an avant sa mort. Il est question de nos peurs d’alors et de celles qui furent les nôtres au Moyen Age. Sur la misère, la violence, les épidémies, l’autre et l’au-delà, le grand médiéviste pointe les ressemblances et les dissemblances entre les craintes de l’an mil et celles que nous inspirait le passage de l’an 2000. Il explique combien le surnaturel et la mort sont omniprésents dans ces sociétés moyenâgeuses où l’on ne remet pas en cause la toute-puissance de la nature assimilée à Dieu et où l’on a la certitude de la disparition de l’espèce humaine. L’acmé de ces frayeurs est atteinte avec la peste noire venue d’Asie par la route de la soie qui fauche un tiers de la population européenne en 1348, conduit à la traque des boucs émissaires – les juifs et les lépreux accusés d’empoisonner l’eau des puits –, au confinement des villes et à la phobie de l’étranger. Ce passage en revue de nos frayeurs anciennes dans les années sida résonne singulièrement aujourd’hui après l’expérience d’une pandémie inédite. Pas de doute, lire Duby fait du bien.