La bien-pensance d’Etat
Le petit Polémiste, par Ilan Duran Cohen, Actes Sud, 304 p., 20 euros.
romancier et cinéaste, Ilan Duran Cohen situe son hilarante dystopie dans les années 2030, et sa préfiguration de l’avenir est d’autant plus crédible depuis l’avènement du coronavirus et la kyrielle de restrictions des libertés qu’il a suscitées. le narrateur, alain Conlang, est polémiste « assermenté par l’Etat » à la télévision. lors d’un dîner mondain arrosé, une saillie sexiste lui vaut une « délation citoyenne responsable et solidaire ». Dans cette société cadenassée par le « mapping » (classement social), « l’Algorithme » impose ses choix, la surveillance est généralisée et le « code officiel de bonne conduite », édicté par l’etat. Conlang, poursuivi en justice, encourt une peine de « castration chimique de niveau 4 ». sa mère, brillante dirigeante introduite dans les sphères gouvernementales, le tance (tout en consignant dans ses carnets des pensées inavouables). son frère, en pleine « transition » (changement de sexe), lui reproche de gâcher la fête. sa petite amie le plaque. seul ruben, son assistant, un juif qui refuse de vivre dans le « Ghetto de la sérénité », lui est dévoué. Mais Conlang, même déchu, entrevoit un espoir : dans ce monde gangrené par la bien-pensance totalitaire, les rêveurs et les indociles ne courberont jamais l’échine.