Meryl Streep, mystères & métamorphoses
Documentaire français de Charles-Antoine de Rouvre (2020). 55 min.
Mystères et métamorphoses… Spontanément, on n’aurait pas défini ainsi le mythe Meryl Streep, qu’on percevait plutôt comme l’incarnation d’une certaine idée de l’excellence hollywoodienne. Qui jouit autant qu’elle d’une telle honorabilité ? Oscars à foison (trois), rôles de femmes fortes et intelligentes, collaborations avec une myriade de réalisateurs prestigieux (Michael Cimino, Sydney Pollack, Clint Eastwood, Steven Spielberg), sa carrière brille par une rectitude hors norme : on y distingue peu de trous d’air, quelques traits d’audace (pas trop non plus), encore moins de films qui fichent la honte. Cela posé, on voit bien où veut en venir ce documentaire énamouré construit sur les témoignages de collaborateurs bienveillants et d’exégètes bien mis. Ses « métamorphoses » renvoient à ses prouesses d’actrice de composition, confinant même au génie transformiste durant ses années à Broadway où, passant d’un rôle à l’autre sur la scène du théâtre où elle se produisait, elle bluffait le public par sa capacité à assaisonner son anglais d’une panoplie d’accents. Cinéaste du « Choix de Sophie », dans lequel Streep incarne une rescapée de la Shoah, Alan Pakula se souvient que sa dextérité à reproduire la prosodie slave avait convaincu jusqu’à Andrzej Wajda lui-même. Quant à ses « mystères », ils résident dans sa discrétion légendaire et dans son aptitude à maintenir intact son statut de bourgeoise du New Jersey dans la grande fabrique à bimbos de Hollywood – le producteur italien Dino De Laurentiis, qui y a longtemps sévi, l’aurait traitée de « laideron » à ses débuts au cinéma, apprend-on ici. Seulement voilà, Isabelle Giordano a beau répéter que « le propre de son jeu, c’est sa subtilité », la décréter « lanceuse d’alerte » au prétexte qu’elle joua, en 1983, dans « le Mystère Silkwood », film antinucléaire, ce portrait, confit dans une overdose de louanges et de banalités interchangeables, maintient trop souvent la vérité « streepienne » loin de nous.